Qu’est-ce que LIBOR et l’EURIBOR ?

Le LIBOR (London Interbank Offered Rate) et l’EURIBOR (Euro Interbank Offered rate) sont les taux de référence auxquels les banques se prêtent entre elles. Le LIBOR est calculé quotidiennement pour 10 devises sur 15 échéances allant de l’overnight à un an). Ce taux ou plutôt ces taux (puisqu’en pratique il y en a 150) sont calculés de la manière suivante :

  • chaque jour à 23h00, un panel de banques sélectionnées la BBA (British Bankers Association) communique à Thomson Reuters les taux auxquels elles pensent être capables de lever un montant conséquent sur le marché monétaire. Le taux soumis n’est donc pas basé sur des transactions réelles car les banques du panel (il y en a au minimum 8 et au maximum 16 pour chaque devise) ne traitent pas toutes les échéances tous les jours.
  • Reuters enlève des cotations ainsi transmises les valeurs les plus hautes et les plus basses, et communique la moyenne des valeurs restantes. Cette annonce est faite vers 23h45 quotidiennement.

L’Euribor (à ne pas confondre avec le Libor Euro, qui existe aussi) est calculé sur la base des taux communiqués par un panel de 57 banques.

Que s’est-il passé ?

Nous somme le Mercredi 27 Juin 2012. Un communiqué de presse de la FSA (Financial Services Authority, l’équivalent d’alors de l’AMF au Royaume Uni) annonce que Barclays a été convaincue d’avoir manipulé les cours du Libor et de l’Euribor et est sanctionnée par une amende de £59.5 millions. Parallèlement, Barclays a également été sanctionnée par la CFTC (Commodity Futures Trading Commission, autorité de régulation US) pour un montant de $200 millions et par le Department of Justice pour un montant de $160 millions pour des faits similaires. Ces faits se sont déroulés sur une période allant de 2005 à 2009 au moins.

Vendredi 29 juin 2012, un second communiqué de presse de la FSA annonce que Barclays, HSBC, Lloyds et RBS sont accusées de pratiques commerciales douteuses vis-à-vis de ses clients corporate qui s’adressent à elles pour se couvrir via des dérivés de taux (swaps, cap/floors, collars). Parmi celles-ci, manque de transparence dans les coûts, défaut d’information du client, sur couverture (over hedging), incitations des vendeurs à ce type de pratique. Les banques vont devoir dédommager leurs clients sous la surveillance de la FSA.

Pourquoi manipuler le Libor et l’Euribor ?

Il y a principalement deux raisons à cela. Tout d’abord, la banque peut avoir intérêt à influencer le taux dans un certain sens, eu égard aux positions qu’elle détient ou qui sont en cours de négociation. L’enquête de la FSA a mis au jour des échanges de mails entre des traders de produits dérivés et les personnes en charge de soumettre les cotations de Barclays où les traders demandent explicitement que la soumission de la banque aille dans un sens précis.

Au sein d’une banque participant au panel de référence pour le Libor, les personnes en charge de soumettre un taux sont généralement placées sur les desks de money market. Leur rôle est d’évaluer et de communiquer le taux auquel dans les faits, la banque trouve à se refinancer auprès de ses contreparties sur les différentes échéances. Il apparaît que ces personnes faisaient régulièrement l’objet de pressions visant à leur faire communiquer non pas un taux réel mais un taux allant dans les intérêts des traders de produits dérivés, en particulier à certaines dates clés sur les marchés de futures.

Ensuite, les soumissions étant publiques, soumettre un taux élevé par exemple peut indiquer que la banque fait face à des problèmes de liquidité et avoir un impact négatif en termes d’images. Durant la crise des subprimes la banque a donc été conduite à baisser artificiellement ses soumissions afin d’éviter des commentaires négatifs de la part des médias.

Les conséquences du Liborgate

Les conséquences en termes d’image sont évidemment catastrophiques pour les banques de la City, alors que le public doute de plus en plus de la transparence et de la fiabilité de son système bancaire. Mais surtout, il faudrait se garder de voir là un simple scandale financier de plus. En effet le Libor et l’Euribor ont une influence directe sur la vie quotidienne du simple citoyen.

Ces taux servent de référence non seulement pour le pricing des dérivés OTC ou listés (futures, options) mais aussi pour le calcul de tous les taux des crédits offerts au grand public, crédit à la consommation, crédits immobiliers, etc. Même quand le crédit est un crédit à taux fixe, ce taux va dépendre du coût auquel la banque pense se refinancer sur le marché interbancaire, et donc là encore de l’Euribor pour l’Euro ou du Libor pour d’autres devises.

Bien évidemment toutes les conséquences sur les intervenants n’ont pas encore fini de se faire sentir. Après les amendes, des têtes ont commencé à tomber (licenciements chez RBS, démission du président du conseil d’administration et du directeur général de Barclays), et l’on peut supposer que cela ne va pas s’arrêter là. En effet la FSA a clairement fait savoir à l’époque que d’autres enquêtes étaient en cours, et il n’est donc pas exclu que d’autres banques se retrouvent contre leur gré sous les feux de la rampe, avec potentiellement des poursuites au pénal et donc des peines de prison encourues par les responsables. La BBA (British Banking Association) a par ailleurs annoncé qu’elle engageait une procédure de revue de la façon dont le Libor, dont elle a la responsabilité, est calculé.

Une entente globale ?

En effet, dès le début il semblait peu vraisemblable qu’une seule banque (Barclays) puisse être impliquée. D’une part, si au moment de la crise de subprimes une banque a jugé utile de poster des taux sous-évalués afin d’apparaître en meilleure situation qu’elle ne l’était réellement (et ce possiblement avec l’accord tacite de la Bank of England), il est hautement vraisemblable que d’autres ont eu la même idée au même moment.

D’autre part, si les fausses soumissions avaient pour but d’orienter la fixation du taux dans un sens précis, une banque seule ne peut parvenir à ce but : en effet, comme on l’a souligné précédemment, les soumissions les plus hautes et les plus basses sont écartées, et le taux final est une moyenne des soumissions restantes. Pour orienter celui-ci, il est donc nécessaire qu’il y ait collusion entre les soumissionnaires.

Le trading est un jeu à somme nulle : ce que gagne l’un , quelqu’un d’autre l’a perdu. Tant que ce jeu se joue entre salles des marchés, on peut considérer qu’il n’a pour résultat tangible, pour le reste du monde, que de « lisser » les prix et donc d’harmoniser les conditions auxquelles l’économie réelle se finance. Mais s’il y a collusion entre les acteurs du monde de la finance (disons en gros le « sell side ») en vue d’obtenir un certain résultat, alors il faut bien conclure que l’argent ainsi gagné ne peut venir que de l’autre catégorie d’acteurs en présence : ceux du « buy side », les investisseurs, et aussi les émetteurs. Vous trouverez en sources et références de cet article un échantillon des réactions (virulentes) des commentateurs anglo-saxons de l’époque.

La riposte réglementaire

Comme lors de la crise des subprimes, la presse, en particulier aux Etats-Unis, en réaction au scandale de la manipulation des taux LIBOR, ne s’est pas privée de faire observer que pendant que les banquiers s’en donnaient à cœur joie, les autorités de régulation étaient, une fois de plus « asleep at the wheel » (endormies au volant). Parmi ces autorités, la FSA (Financial Services Authority), l’ancienne autorité de contrôle du marché britannique, est particulièrement visée dans la mesure où le LIBOR est calculé sous la responsabilité de la BBA (British Bankers Association). C’est pourquoi le gouvernement du Royaume Uni avait lancé une revue indépendante du mode de fonctionnement du LIBOR, présidée par Martin Wheatley. Celui-ci a publié début Août 2012 un rapport préliminaire.

Ce rapport, mis à disposition sur le site du ministère de l’économie et des finances du Royaume-Uni, commence par poser un diagnostic des déficiences que présente le LIBOR, tant en ce qui concerne son mode de calcul, que sa gouvernance et sa régulation.

Rappelons que le LIBOR (London Interbank Offered Rate) reflète le taux auquel les banques se prêtent entre elles de l’argent en blanc (sans garanties associées) à court ou moyen terme. Il y a en fait 150 taux différents, calculés quotidiennement pour 10 devises et 15 maturités allant de l’overnight à un an.

Le rapport Wheatley présente un grand intérêt sur le plan de la réglementation et du fonctionnement des marchés de capitaux.

Prévue pour le 1er janvier 2022, la fin annoncée du LIBOR a finalement été reportée à septembre 2024, afin de laisser le temps suffisants aux différents acteurs de la Finance d’assurer la transition dans de bonnes conditions vers ses remplaçants (comme le SONIA).

  • http://www.euribor-rates.eu/
  • http://www.nakedcapitalism.com/2012/07/the-economist-then-and-now-on-bankers.html
  • http://robertreich.org/post/26708840314