La Directive AIFM définit les principes applicables, en matière de politique de rémunération, aux gestionnaires de FIA, dont les encours sont supérieurs aux seuils de 100M€ ou 500M€ ou ayant opté pour l’application de la Directive, qui jusqu’à présent, pour les sociétés de gestion françaises, relevaient des règles professionnelles. A ce titre, les AIFM devront mettre en place des politiques et des pratiques de rémunération visant à aligner les risques pris par leur personnel avec ceux des investisseurs.

A cet égard, l’ESMA et l’AMF ont publié respectivement le 4 juillet et le 2 août 2013 la traduction des Guidelines sur les bonnes pratiques en matière de rémunération et un Guide sur ce même sujet. A noter que les Guidelines ont été intégralement transposées dans une Position de l’AMF publiée également le 2 août.

Précisons qu’il s’agit d’un sujet complexe en raison de l’application du principe de proportionnalité à certaines dispositions présentées ci-après.

Rémunérations

En premier lieu, la rémunération se compose de toutes les formes de paiements ou d’avantages payés par le gestionnaire d’AIF, de tout montant payé par l’AIF lui-même, y compris le carried interest et de tout transfert de parts ou d’actions de FIA, en échange de services professionnels rendus par le personnel identifié.  A noter que les deux composantes de la rémunération (fixe et variable) peuvent inclure des paiements ou des avantages monétaires (espèces, actions, options, carried interest…) ou des avantages non monétaires (indemnités de déplacement, allocations spéciales pour la voiture, le téléphone …).

Le carried interest mis en place par les sociétés de gestion de capital investissement françaises correspond à une part des profits du  FIA attribuée en contrepartie de la gestion du FIA. En conséquence, ce dispositif entre de plein droit dans le périmètre de la rémunération variable couverte par les dispositions des Guidelines de l’ESMA. Toutefois, l’AMF mentionne l’existence de cas pour lesquels il pourrait être inadapté d’appliquer ces principes à certains types de « carried interest » puisque de fait, ils sont déjà inhérents à leurs modes de création et de fonctionnement.

Par ailleurs, les paiements ou avantages annexes faisant partie d’une politique de rémunération générale non discrétionnaire et n’ayant aucun impact sur la prise de risque peuvent être exclus du champ d’application des principes de la Directive AIFM (participation, intéressement, PEE, PERCO …).

Pour rappel, le gestionnaire devra s’assurer, au préalable, de la conformité des mécanismes de rémunération mis en place (malus, restitution) au regard du droit du travail.

Personnel identifié

Pour l’application des dispositions de la Directive AIFM relatives à la rémunération, il convient en premier lieu de définir les catégories de personnel pour lesquelles une politique de rémunération adaptée doit être mise en place au regard de leur influence sur le profil de risque du FIA.

Les membres de l’organe de direction, les dirigeants, les gérants, les responsables de fonctions support, les fonctions de contrôle (RCCI, contrôleur des risques …) et de manière générale les salariés considérés comme « preneurs de risques » doivent être identifiés par l’AIFM dans le cadre de la mise en place de sa politique de rémunération. En outre, tout employé percevant une rémunération globale, située au même niveau que les catégories de personnel précédemment citées est également concerné.

Gouvernance

La Directive AIFM rend obligatoire la mise en place d’une fonction de surveillance qui adopte et réexamine la politique de rémunération et qui supervise sa mise en œuvre. La fonction de surveillance doit garantir la mise en place d’une politique de rémunération conforme à la stratégie et aux objectifs du gestionnaire, permettant l’alignement des intérêts des investisseurs avec les gérants des FIA et n’encourageant pas une prise de risque excessive. Lorsque la taille, l’organisation et le périmètre d’activité du gestionnaire ne justifie pas la mise en place d’une fonction de surveillance séparée, cette mission pourra être assurée par l’organe de direction.

La fonction de surveillance doit s’assurer que la politique de rémunération sera réexaminée au moins annuellement. Lorsque cela est adapté aux caractéristiques du gestionnaire, cet examen périodique peut être externalisé auprès d’un prestataire indépendant.

Les fonctions de contrôle (conformité, gestion des risques, audit interne) devront participer activement à l’élaboration de la politique de rémunération afin de promouvoir le développement d’une gestion des risques efficace. Les procédures de détermination de la rémunération devront être claires, documentées et transparentes.

Un comité de rémunération devra être constitué et composé des membres de la fonction de surveillance n’exerçant pas de fonctions exécutives, dont la majorité au moins est indépendante de l’organe de direction. Toutefois, la nécessité de créer un comité de rémunération est subordonnée au respect simultané des critères de taille, d’organisation et de périmètre d’activité.

Exemple : Un gestionnaire gérant des FIA pour un encours total inférieur à 1,25 Md€ et dont l’effectif total n’excède pas 50 employés pourrait ne pas constituer de comité de rémunération.

Calcul

Le montant de la rémunération variable individuelle doit être calculé sur la base de critères de risque et de performance évalués à plusieurs niveaux : individuel, FIA/unité opérationnelle et AIFM.

S’agissant de la mesure des performances individuelles, l’AIFM devra mettre en place des critères quantitatifs (financiers) et qualitatifs (non financiers) adaptés à la mission et au niveau de responsabilité du personnel concerné. A noter que les performances non financières négatives (ex. : comportement contraire à l’éthique) doivent primer sur les performances financières positives.

Pour ce qui est de la mesure des risques, l’AIFM devra s’appuyer en particulier sur les indicateurs définis dans sa politique de gestion des risques. En outre, il devra également prendre en compte les risques de responsabilité professionnelle et les risques liés à ses autres activités (gestion d’OPCVM…).

Principe de proportionnalité

Dans le cadre de l’application des principes liés à la rémunération, le gestionnaire devra se conformer aux exigences de la Directive AIFM et des guidelines de l’ESMA d’une manière appropriée à sa taille, à son organisation interne ainsi qu’à la nature, l’étendue et la complexité de ses activités. A ce titre, si un AIFM juge que la non-application des exigences éligibles aux principes de proportionnalité est appropriée, il devra être à même de justifier au régulateur, et ce pour chaque exigence qu’il a choisie de ne pas appliquer, les raisons de ce choix.

Seules les exigences suivantes sont susceptibles de ne pas être appliquées au regard du principe de proportionnalité : 

  • Exigences relatives au versement de la rémunération
  • Etablissement d’un comité de rémunération
  • Composante variable de la rémunération payée en parts ou actions de FIA gérés (au moins 50 %);
  • Politique de rétention des parts ou des actions des FIA concernés; 
  • Report de la rémunération variable pendant une période de 3 à 5 ans (a minima 40%);
  • Ajustement de la rémunération variable, y compris reportée, en cohérence avec la situation financière du gestionnaire et les performances constatées (mécanismes de malus et de restitution).

Les éléments à prendre en compte pour justifier l’exclusion d’exigences du champ d’application sont la taille du gestionnaire (actifs sous gestion, effectifs…) ou des FIA qu’il gère, son organisation (structure juridique de l’AIFM et des FIA gérés, gouvernance du FIA, cotation des FIA …), son périmètre d’activité (activités agréées, stratégies d’investissement, caractère transfrontalier des activités exercées, gestion d’OPCVM) et la prise en compte des spécificités propres à chaque catégorie de personnel (capacité à engager l’AIFM ou le FIA, structure de la rémunération…).

Exemple : Un gestionnaire qui considère que pour une catégorie de personnel, la rémunération variable ne dépasse pas substantiellement la partie fixe de la rémunération, pourrait souhaiter ne pas appliquer les exigences relatives au report de la rémunération variable pour cette catégorie.

A noter que lorsqu’un critère chiffré est exclu, il doit l’être en totalité, et ne peut donc être mis en œuvre sur la base d’une valeur plus faible.

Exemple : S’agissant du report de la rémunération variable, il ne sera pas possible d’appliquer un ratio de 20 %.

Paiement en instruments

Les instruments attribués au titre de la rémunération variable sont les parts ou actions de FIA gérés ou participation équivalente.  A cet égard des mécanismes d’indexation par le truchement d’un véhicule ad hoc (panier de FIA) ou d’un instrument dérivé synthétique pourraient être envisagés. De même, le paiement en parts de capital de la société de gestion pourrait être adapté à certains cas. Par ailleurs, s’agissant des FIA dédiés, il apparaît difficile de satisfaire l’exigence de paiement en instrument sachant qu’il ne sera pas possible d’ouvrir ce type de véhicule aux collaborateurs du gestionnaire.

Processus de paiement

S’agissant des modalités de versement, 50% de la rémunération variable doit pouvoir être payée en parts ou actions de FIA gérés et entre 40% et 60% de la rémunération variable doit être reportée pendant une période de 3 à 5 ans.

A noter que le seuil de 50% relatif aux instruments doit s’appliquer à la fois sur la partie reportée et la partie non reportée.

Exemple : Si un AIFM prévoit d’une part un ratio de 50% pour la rémunération variable payée en parts de FIA, et d’autre part un report de 60% sur 3 ans, le paiement immédiat sera de 20% en numéraire et de 20% en instruments. La partie reportée comprendra donc 30% en numéraire et 30% en parts de FIA.

L’acquisition du premier montant différé ne doit pas intervenir moins de 12 mois après l’attribution de la part versée immédiatement. Dans tous les cas pendant la période de report, la périodicité d’acquisition ne devra pas excéder une fréquence annuelle (ex. : pas tous les six mois).

Par ailleurs, l’AIFM devra également définir une période de rétention des instruments attribués dans le cadre de la rémunération variable. Précisons que le paiement immédiat d’instruments avec une période minimale de rétention de 3 ans n’équivaut pas à des instruments dont le paiement est reporté puisque dès attribution l’AIFM n’est plus en mesure d’ajuster a posteriori la rémunération selon les modalités définies ci-après.

Ajustement

Le gestionnaire doit rester en mesure d’ajuster la rémunération variable différée attribuée à un membre du personnel au regard de la pérennité du résultat des actions entreprises.

Cet ajustement sera réalisé, le cas échéant, au moyen de clauses de malus (diminution a posteriori de la rémunération variable différée non acquise) ou de restitution.

Reporting

L’information sur les rémunérations devra être diffusée en externe et en interne à l’ensemble du personnel.

Le rapport annuel du FIA devra présenter notamment le montant total des rémunérations pour l’exercice, ventilé en rémunérations fixes et rémunérations variables ainsi que le nombre de bénéficiaires.

En outre, des informations sur le processus décisionnel, sur le lien entre la rémunération et les performances, sur les critères utilisés pour mesurer les performances et les risques, et sur les principaux paramètres et la justification des formules de prime annuelle et des avantages autres qu’en espèces devront être présentées au moins annuellement soit dans le rapport annuel, soit dans une politique indépendante ou sous une autre forme. Ces informations pourront être adaptées eu égard aux caractéristiques du gestionnaire.

Par ailleurs, l’AIFM devra s’assurer a minima que son personnel puisse accéder à un niveau d’information équivalent à l’information publiée en externe.

Calendrier

Les sociétés de gestion qui seront agréées entre le 22 juillet et le 31 décembre 2013 devront appliquer ces dispositions sur l’exercice comptable 2014 pour les rémunérations variables versées en 2015. Par la suite, les sociétés de gestion obtenant un agrément à compter de l’année 2014 appliqueront leur politique de rémunération sur l’exercice comptable N+1 avec un versement effectif en N+2.

Pour des informations actualisées, lire notre article sur la réglementation financière.