Les systèmes d’informations sont un enjeu majeur dans le métier de l’Asset Management comme dans l’ensemble des métiers de la finance. Généralement, le budget incombant à l’Informatique et aux flux financiers représente le deuxième poste budgétaire de ces sociétés après les salaires.

Pourquoi une telle importance ?

Course à la taille critique

Comme dans tous les secteurs, la course à la taille critique est forte dans l’Asset Management. C’est le cas depuis des années, et la crise financière de 2008 a fortement accéléré le processus. Le plus gros acteur français, Amundi, a ainsi été créée début 2009 par le rapprochement de Crédit Agricole Asset Management et de Société Générale Asset Management. BNP Paribas Investment Partners s’est quant à lui renforcé en reprenant Fortis Investment Managers.

De fait, la volumétrie des opérations à traiter devient de plus en plus importante : plusieurs millions d’opérations par an chez un gros Asset Manager.

L’automatisation maximum de ces traitements est donc devenue impérative. Tout ce qui peut être automatisé doit l’être, et l’informatique est le seul moyen.

Maîtrise et suivi des risques

Avoir des équipes qualifiées capables de gérer des portefeuilles avec de bonnes performances c’est bien. Ne pas gâcher ces résultats par une ou des erreurs, voire des malveillances, c’est encore mieux !

Cela implique la mise en place de systèmes de suivi et de contrôles des risques. En termes informatique, il faut limiter l’intervention humaine en automatisant le maximum de tâches, suivre le « qui fait quoi » (avoir une piste d’audit) dans les systèmes, et savoir à tout moment quels sont les risques financiers encourus et comment ils évolueraient en fonction de l’évolution plus ou moins brutale des marchés.

Rapidité des marchés financiers

Depuis plusieurs années désormais, un besoin de traitement de plus en plus rapide des opérations est apparu. Trois jours pour dénouer une opération n’est plus acceptable, là aussi pour une question de risques. Désormais, quasiment toute opération se doit d’être réglée et livrée à J+1^, voire au jour J de son exécution. Sachant que ce dénouement implique toute la chaine Front, Middle et Back Office de l’Asset Manager mais aussi le broker, le dépositaire et le valorisateur, on imagine aisément le rôle primordial de l’automatisation d’un maximum de tâches (enrichissements d’informations, flux, rapprochements).

Produits financiers nécessitant une grande vitesse d’exécution

Des produits nécessitent de nombreuses opérations simultanées et liées, comme les fonds indiciels et les Trackers (ETF : Exchange Traded Funds), les fonds d’arbitrage (vente et achat simultanés), et bien d’autres ont rendu obligatoire la mise en place d’automates de traitement des opérations. Ces nouveaux types de fonds n’ont pu voir le jour que grâce aux évolutions technologiques et à l’optimisation des systèmes d’information.

Projets structurants

Concrètement, les Asset Managers se sont lancés dans plusieurs énormes chantiers informatiques pour répondre aux besoins énoncés ci-dessus. Leur réussite nécessite une très forte implication des métiers concernés et souvent des réorganisations, ce qui explique que les Systèmes d’Informations soient très liés aux services Organisation et Conduite du Changement.

Le succès de ces projets n’est possible que par une forte volonté de la Direction, la présence des moyens financiers et la mise en place d’équipes soudées comprenant :

  • Des utilisateurs finaux qui expriment leur besoins
  • Une maîtrise d’ouvrage (MOA) qui rationalise, synthétise et reformule ces besoins à travers un cahier des charges compréhensible par un service informatique interne ou par un fournisseur externe. Cette maîtrise d’ouvrage est également garante de la conformité du produit fini par rapport aux besoins utilisateurs (phase de recette).
  • Une maîtrise d’œuvre (MOE) interne ou des fournisseurs informatiques capables de comprendre les besoins exprimés par la maîtrise d’ouvrage et de réaliser dans les meilleurs délais et avec les solutions techniques les plus adaptées (rapidité de développement, facilité et coût de maintenance, …) les outils spécifiés.
  • Un service Organisation et/ou Conduite du Changement capable d’évaluer l’impact des nouveaux systèmes sur les métiers concernés. Capable de prévoir les suppressions, évolutions, reconversions, création de postes nécessaires et de communiquer au mieux pour que tout cela soit fait au court de la vie du projet. La nouvelle organisation doit être prête lors de la livraison finale du projet.

Certains grands projets structurants sont détaillés ci-dessous ⤵️.

Référentiels

Dans tout projet, de quelque importance qu’il soit, un SI ne pourra fonctionner que s’il a de bonnes données en entrée. Ces données sont stockées dans des référentiels. La qualité d’un référentiel tient à la qualité de ses données (sources, fréquence de mise à jour, …) mais aussi à sa facilité d’interrogation et à son évolutivité. Il existe plusieurs types de référentiels :

  • Référentiel Valeurs : contient tous les titres et contrats négociables par les gérants dans les systèmes. Dans la théorie, aucun produit financier ne peut être négocié par un Asset Manager s’il n’existe pas dans son référentiel valeurs. Un gros Asset Manager aura un référentiel contenant plus de 5 000 titres et largement autant de contrats. Pour chaque titre, le nombre d’informations le caractérisant est très important. Il y a des données statiques (qui restent identiques durant toute la vie du titre) et les données dynamiques (qui évoluent quotidiennement). Ces informations sont alimentées automatiquement chaque jour (voire plusieurs fois par jour, ou même en temps réel) par des flux d’information provenant des sociétés Thomson Reuters, Bloomberg, SIX Telekurs et autres.
  • Référentiel tiers : contient les caractéristiques de tous les tiers avec qui l’Asset Manager est amené à être en relations côté opérations (brokers, dépositaires)
  • Référentiel produits : dernier né des référentiels, il regroupe toutes les caractéristiques des fonds de l’Asset Managers. Sa vocation est plus juridique, commerciale, marketing et statistique.

Parler d’un référentiel valeurs est utopique, il y en a souvent plusieurs pour ne pas dire un par application. La question d’avoir un référentiel maître alimentant des référentiels esclaves plutôt que d’avoir des référentiels alimentés en parallèle et ensuite simplement rapprochés a régulièrement été soulevée par la plupart des Asset Managers. Bien que plus fiable, cette solution n’a été retenue que par très peu d’Asset Managers, car très longue, coûteuse et lourde à mettre en place.

Straight-Through processing (STP) et EAI

Le STP est certainement le plus gros projet informatique d’un Asset Manager. Il est de plus toujours en évolution car il doit intégrer les nouveaux instruments, être encore plus rapide, avec encore plus de contrôles …

Depuis des années, des outils Front Office, Middle Office et de Valorisation existent et sont plus ou moins automatiquement interfacés. Le STP consiste à automatiser le maximum, voire l’ensemble, de la chaîne de traitement, des opérations du passage des ordres par les gérants à leur comptabilisation dans les portefeuilles associés.

Le STP « interne » interface les outils Front, Middle et Back de l’Asset Manager. Le STP « externe » automatise également les échanges avec les intervenants externes, brokers et dépositaires, voire valorisateur si celui-ci est externe. L’intervention humaine doit être réduite à son strict minimum. Dans la théorie, une seule saisie est faite et ensuite seuls quelques rajouts et validations manuels sont nécessaires, tout le reste étant automatique.

Cette automatisation n’est rendue possible dans de bonnes conditions qu’en s’appuyant sur un EAI puissant gérant toutes ces interfaces. Les EAI (Enterprise Applications Integration) sont des outils spécialement conçus pour interfacer des applications, en temps réel ou en batch, tout en pouvant enrichir, transcoder, transformer, … les données échangées.

Les outils suivants doivent être totalement interfacés entre eux et avec les référentiels pour avoir du « Full STP ».

Outils Front Office

OMS (Orders Management System)

L’Order Management System (OMS) comprend les fonctionnalités suivantes :

  • Passage d’ordres du gérant vers la table de négociation avec possibilité à tout moment de suivre l’état de l’ordre (en attente, exécuté partiellement, totalement exécuté). Génération d’ordres automatiques pour les portefeuilles indiciels, du rebalancement d’indice, des trackers, …
  • Envoi des ordres vers les brokers et réception des exécutions. Des protocoles de passage et de réponse d’ordres électroniques sont de plus en plus utilisés. Ils sont souvent spécialisés sur des types de produits et des zones géographiques (FIX pour les actions, voire obligations, hors Asie, …).

Ce passage d’ordres électronique permet en plus de sa rapidité une première sécurité : être sûr que les caractéristiques de l’ordre sont bien les mêmes chez l’Asset Manager et chez son broker (plus de risques d’un achat interprété comme une vente).

Serveur de contraintes

  • Avant tout passage d’ordre, les contraintes réglementaires et les contraintes de gestion doivent être vérifiées. Ces contraintes pré-trade  doivent théoriquement être bloquantes et empêcher tout passage d’ordre les enfreignant.
  • Des exemples de contraintes sont : types d’instruments interdits, encours par type d’instrument à ne pas dépasser, …

Un serveur de contraintes doit savoir gérer en temps réel jusqu’à plusieurs milliers de contraintes pour un gros Asset Manager.

Outils Middle Office

PMS (Portfolio Management System)

Les Portfolio Management System (PMS) permettent :

  • Règlement Livraison des opérations. Cette fonction n’est pas réellement couverte jusqu’à son terme par le Middle Office, il ne fait que la préparer en enrichissant les opérations de toutes les instructions de R/L nécessaires. Cet enrichissement et l’envoi de ces informations aux brokers et dépositaires doivent être automatiques, ne nécessitant au maximum qu’une validation des personnes du Middle Office.
  • Suivi des Positions. La tenue des positions de tous les portefeuilles est automatique, avec prise en charge des nouvelles opérations, mais aussi automatisation maximum du traitement des Opérations Sur Titres (OST) et du calcul de la Trésorerie Prévisionnelle.

Réconciliation

Le système de réconciliation est chargé du rapprochement des opérations et des positions. Le rapprochement des caractéristiques complètes (Instructions de R/L et frais compris) des opérations doit être fait entre les Middle Offices de l’Asset Manager et du Broker. Des outils automatiques (ex. CTM) existent et doivent être interfacés dans les systèmes. Un rapprochement en interne doit aussi être fait entre le Middle et le Back Office mais cette fois le plus souvent uniquement sur les positions.

Outils Back Office : valorisation

La vocation première voire unique d’un outil Back Office est la valorisation de chaque portefeuille. Pour cela, lui aussi doit être capable d’impacter les portefeuilles des OST, de connaître les S/R et de calculer la trésorerie prévisionnelle, ces données étant rarement transmises par l’outil Middle Office. Une fois cela maîtrisé, il faut surtout que l’outil Back Office soit capable de valoriser chaque ligne de chaque portefeuille.

Les risques

Risques opérationnels

A tout seigneur tout honneur, parlons du BCP (Business Continuity Plan) ou plan de continuité ou plan de secours. Il a été très en vogue, notamment avant les passages à l’an 2000 et à l’euro, évènements lors desquels certains redoutaient de véritables big bang. Il a consisté à répliquer en plus petit l’intégralité du système d’information de la société pour permettre une « continuité » de l’activité en cas de catastrophe majeure. Aujourd’hui globalement tous les Asset Managers ont leur plan de continuité et il n’y a plus trop de travail autour de ce sujet.

D’autres risques opérationnels doivent être suivis pour être en conformité avec telle ou telle réglementation. Citons par exemple Sarbanes-Oxley ou Bâle II / III. Des progiciels existent mais les développements internes sont encore fréquents sur ces sujets.

Risques de marché

Savoir comment évoluerait son portefeuille en cas de décalage des marchés est depuis longtemps un souci des Asset Managers. Des progiciels spécialisés existent, ils doivent être interfacés avec les PMS ou les outils de valorisations pour avoir tout leur sens.

Reporting, mesure de performance et Datawarehouse

Véritable vitrine des portefeuilles d’un Asset Manager, le service Reporting a dû se doter de systèmes informatiques souvent assez lourds pour répondre en temps et en heure à la production de tous les documents qui lui sont demandés.

Le reporting doit, pour chaque fonds, créer des documents présentant ses performances sur des périodes de temps variables, les comparer à son indice, éventuellement les comparer à celles d’autres fonds. Il doit également pouvoir donner la performance répartie par poche d’actifs, secteurs d’activités, et cela selon la finesse d’information attendue par le client.

De plus, la fréquence de publication de ces documents est le plus souvent quotidienne. Tout cela ne peut se faire qu’avec un système performant ayant déjà en partie retraité les données des portefeuilles et de leurs benchmarks. La création d’un Datawarehouse a souvent été la solution, lié à des alimentations automatiques incluant les calculs de performances.

Les progiciels spécialisés

Un des impératifs des progiciels spécialisés dans l’Asset Management est d’être capable de traiter l’ensemble des titres ou instruments pouvant entrer dans la composition d’un portefeuille. Le périmètre de produits financiers à traiter est donc très vaste. Le revers de la médaille est qu’ils ne peuvent être aussi pointus sur le traitement d’un produit précis qu’un progiciel qui serait dédié à ce produit.

Les progiciels peuvent globalement se regrouper selon leur couverture métier (aucun n’étant un Front To Back intégré). Voici quelques exemples :