Entre le 18 mars 2010, date du vote de la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) au Congrès américain et l’entrée en vigueur de la loi en Juillet 2014, un nombre important de négociations ont été conduites par chacun des pays avec l’IRS et c’est au final 47 pays et territoires partenaires qui se sont engagés à faire appliquer cette réforme et la transcrire en droit local.

Dans le sillage de cette mobilisation générale, le Président français François Hollande et son premier Ministre Manuel Valls ont cosigné le 4 août dernier un décret convoquant l’assemblée nationale, dans le cadre d’une session extraordinaire, afin d’y intégrer à l’ordre du jour le vote pour approbation du projet de loi FATCA entre le gouvernement français et le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique.

La date initiale des débats prévue le 8 septembre 2014, a finalement été reportée à la 2e session du 18 septembre en raison de l’agenda chargé des journées parlementaires.

Au préalable et nourri par la commission des affaires étrangères présidée par Mme Elisabeth Guigou, les Sénateurs avaient approuvé la réforme au cours de l’été 2014.

Les travaux de la commission, qui engagent la France vis-à-vis des USA et de l’IRS ont été communiqués par M. Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget, ainsi que par Mme Estelle GRELIER, rapporteur de la commission des affaires étrangères, et M. Yann GALUT, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

La synthèse des débats étalée sur 2 journées, illustre parfaitement l’état d’esprit des acteurs de la loi FATCA en France, ainsi que les enjeux et les questions ouvertes qui devront maintenir un état important de vigilance sur ce sujet.

Rappel de quelques éléments contextuels

Les motivations chiffrées de la fraude et de l’évasion fiscales en France et dans le monde sont effectivement des données qui laissent rêveur : Pour la France les montants oscillent entre 40 et 80 milliards d’euros par an de défaut de collecte de l’impôt. Quand nous corrélons ces chiffres au déficit de la sécurité sociale, de l’ordre de 23,6 milliards d’euros en 2011, nous comprenons rapidement les motivations des défenseurs de la réforme FATCA dans l’hémicycle. Lors d’une intervention du sénateur Éric BOCQUET à la chambre haute sur la thématique FATCA, il faisait remarquer qu’entre 2007 et 2012 les montants hors frontières ayant échappé aux différentes institutions fiscales du monde varient entre 7300 milliards $ à 8500 milliards de $, dont 2200 milliards ont été placés en Suisse, 2000 milliards en Irlande et 1200 milliards aux Caraïbes.

Depuis le début de la crise de 2008, les autorités françaises ont lancé des négociations auprès de 4 autres nations européennes (Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni) et ont créé ainsi un groupe de travail appelé G5, avec des objectifs très proches de la démarche FATCA. Ces travaux un peu laborieux avancent pourtant et le 9 avril 2013, la commission européenne a été saisie pour apporter davantage de soutien à cette initiative. Le G5 a par ailleurs étendu son action auprès des pays du G20 et une demande de lancement d’un chantier fiscal multilatéral type « FATCA Europe » est formulé auprès de l’OCDE (Les travaux sont actuellement en cours).

Deux formes d’accords sont signés avec l’IRS

Les négociations avec l’IRS (Internal Revenue Service) se sont soldées par deux types de partenariats :

  • La forme de partenariat dit « FATCA 1 » ou IGA 1 (Intergovernmental Agreement 1) prévoit un rôle prépondérant des organismes fiscaux (DGI) dans la collecte et la transmission des données pour compte des établissements financiers assujettis. Cette approche sécurise les contrôles de conformité de premier niveau, en termes de format et exhaustivité des données, mais elle conforte également les établissements financiers, qu’en cas de litige, les gouvernements respectifs pourront relayer les besoins ou points d’attention auprès de l’administration fiscale américaine. Ce modèle a été adopté par l’essentiel des 47 pays et territoires concernés
  • La forme dite FATCA 2 ou IGA2, ne prévoit quant à elle aucune intervention des services fiscaux de l’état, mais uniquement une procédure de transmission des données de la banque directement vers l’IRS. Ce choix est bien entendu celui des établissements qui souhaitent maintenir, encore, un haut niveau de confidentialité des avoirs de leurs clients (secret bancaire). La Suisse, l’Autriche, le Japon et les Bermudes ont ainsi pris cette option.

A quelle échéance démarrent les premiers reportings FATCA ?

Le calendrier initial, annoncé dans notre version du livre blanc de mars 2012 a bien entendu été entièrement revu, compte tenu de la complexité des négociations. En France, c’est donc à partir du 30 septembre 2015, sur des données enregistrées en 2014, que démarrera la première transmission de données à destination de l’IRS. A partir de cette échéance, les transmissions devront être automatiques et annuelles pour les comptes déclarables, c’est-à-dire pour les avoirs dont les règles d’agrégation des soldes répondent aux exigences FATCA, et en particulier au seuil d’exigibilité de 50 000 $.

Rappel du périmètre des données à transmettre à l’IRS (exemple des personnes physiques)

Les données suivantes seront exigibles selon les formats de messages structurés et imposés par l’IRS (messages FATCA_OECD, composé d’un bloc spécifique et de plusieurs blocs FATCA) :

  • N° d’identification du titulaire du compte (N° de NIF)
  • N° d’identification de l’Institution financière déclarante, mandataire ou intermédiaire (N° GIIN fourni par l’IRS)
  • Nom de famille
  • Prénoms
  • Adresse
  • Date de naissance
  • Référence du compte ou du contrat (pour les comptes à déclarer) : Les comptes de dépôts – Les comptes conservateurs (Comptes titres compris) – Contrats d’assurance-vie et sa valeur de Rachat – Les contrats de rente – Les Titres de capital – Les Titres de Dette
  • Montants, Soldes et Intérêts : Solde de chaque Compte – Position valorisée de chaque compte titres – Valeur de Rachat des contrats d’assurance-vie – Valeur de Rachat des contrats de capitalisation – Valeur de Rachat des bons de capitalisation – Montant Brut des intérêts – Montant Brut des Dividendes – Produits bruts de rachat sur contrat d’assurance-vie – Montants bruts des autres revenus.

Quels sont les points d’attention dans le processus de transmission FATCA à l’IRS ?

  • Au-delà de l’historique des négociations, entre les gouvernements et l’IRS, longtemps gênées par le sentiment d’unilatéralité des débats, l’assemblée nationale a finalement voté le 18 septembre 2014 ce projet de loi, actant ainsi la ratification pour la France de la réforme FATCA.
  • Pour autant, 3 points de vigilance continueront à préoccuper la commission des affaires étrangères, la DGI (Direction générale des Impôts), la DGFIP (Direction générale des Finances Publiques), la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) ainsi que le parlement.
  • En premier lieu il s’agit de savoir, dans le respect des relations internationales et au bénéfice des efforts que la France déploie en vue d’endiguer la fraude et l’évasion fiscales, si le principe de réciprocité sera appliquée par l’IRS et soutenu par le Congrès américain. Les pouvoirs publics français soutiennent que oui, mais des doutes subsistent.
  • Le second point concerne l’usage qui sera fait des données transmises à l’IRS, partant du principe qu’en France (CNIL) et en Europe, ces données sont considérées comme des informations personnelles et ne doivent servir qu’à des fins exclusivement fiscales.
  • Par ailleurs, et ce point découle du précédent, il s’agit de s’assurer que la confidentialité des informations collectées et transmises à l’IRS soit garantie, et que l’ensemble des établissements financiers concernés par la procédure FATCA soit confortable vis-à-vis du cadre juridique dans lequel ils réaliseront ces déclarations.
  • L’une des craintes principales des banques et assurances réside aussi dans un effet de bord potentiel de ce processus d’extra territorialisation, consistant à contraindre les établissements français et européens à clôturer des comptes clients de ressortissants américains afin d’échapper à la lourdeur et aux coûts sous-jacents de cette procédure. Les business modèles de ces établissements considérant que les risques de pénalités versus les revenus de ces comptes ne justifient plus le maintien de tels portefeuilles clients. Cela pourrait être interprété in fine comme une forme de concurrence imposée par le marché américain.
  • Enfin, et dans la continuité des interrogations et craintes du secteur bancaire et assurantiel, les particuliers résidant aux USA et détenteurs de comptes ouverts au sein d’établissements financiers français peuvent se voir contraints de liquider leurs actifs, au risque d’une double imposition fiscale, voire d’être considérés par l’administration fiscale américaine comme des délinquants fiscaux ! Certains pouvant se trouver même dans l’impossibilité d’ouvrir un compte dans une banque française.

Comment les établissements français ont-ils appréhendé la mise en oeuvre de la réforme ?

Dans une grande majorité des cas, les établissements concernés par FATCA ont été accompagnés dans une première étape par des cabinets de juristes fiscalistes, en vue du choix du statut fiscal (FFI, Participating FFI, …). Les analyses d’impacts sur les typologies de clients, de comptes ainsi que les enjeux business ont été pour beaucoup traités en interne, compte tenu de la haute confidentialité des dossiers.

La phase de mise en oeuvre (Procédures KYC, procédures de communication client/CRM, collecte des données, bases FATCA, évolution de la fonction Compliance FATCA, Désignation d’un contact IRS, ..) a démarré il y a environ un an et la volonté de nos clients reste dans une grande majorité des cas centrée sur une prise en charge « In House » des travaux par les équipes MOA & MOE Référentiels.

Toutefois, le calendrier passablement court d’ici septembre 2015 et le portefeuille de projets réglementaires relativement conséquent pourrait amener les Banques et Assurances à se faire accompagner par des expertises fonctionnelles fortes, des consultants orientés Compliance mais également par des experts Référentiels ou CRM.