Alexis Missoffe

Lors du dernier baromètre Phi organisé par la DFCG, il ressortait que :

  • 52% des directeurs financiers considéraient comme croissante l’importance des risques
  • 67% de ces mêmes directeurs financiers estimaient que la gestion des risques pouvait être une aide au pilotage de l’entreprise
  • Enfin 56% d’entre eux affirmaient qu’il était primordial d’équilibrer croissance et prise de risques
Pilotages des risques: comment procéder?

Pour autant, force est de constater qu’aujourd’hui, même si des progrès sont à noter, le pilotage des risques n’est pas encore suffisamment pris en compte dans celui de l’entreprise.

Or, dans une période considérée comme instable par nombre de dirigeants d’entreprises, ne serait-il pas opportun de se poser la question suivante : Comment trouver de nouveaux relais de croissance à partir de notre connaissance des risques ?

Les Risques, nouveau relais de croissance ?

Depuis des décennies le premier réflexe a été de couper dans les coûts (frais généraux, RH, DSI, achats…). Ces actions ont eu pour effet d’apprendre à rationaliser les dépenses et d’optimiser les processus de production tant pour l’industrie que pour le service. Cette stratégie est viable sur le court terme, mais elle a ses limites sur le moyen et le long terme et est génératrice de nouveaux risques liés à :

  • Des politiques d’achat uniquement axées sur le prix (les DSI, par exemple, cherchaient systématiquement à faire baisser leurs coûts de fonctionnement et à justifier leurs actions) ayant pour effet des baisses de qualité ou de fiabilité.
  • Des politiques RH déshumanisées (les ressources se transformant progressivement en ETP ou variables d’ajustement) générant ainsi des baisses de productivité et un déficit de connaissance par la perte de sachants ou d’expertises.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que, depuis peu, de nombreuses directions des achats repensent leur approche pour ne plus raisonner uniquement par le prix, mais bien par la valeur créée en y associant les problématiques de qualité. De même que de plus en plus de DSI cherchent à se désengager des tâches à moindre valeur ajoutée pour se focaliser sur la création de valeur et la notion de partenariat avec les acteurs métiers.

Toutes ces évolutions, bien que positives, restent néanmoins localisées.

Cette prise de conscience, « individuelle », chaque service cherchant à améliorer sa propre performance et à assurer la qualité de ses actions, reste trop souvent cantonnée à des périmètres précis sans prise de hauteur globale pour l’entreprise (pas de vision d’ensemble).

Nous sommes donc dans la même logique qui fait qu’un directeur d’usine connaîtra parfaitement les risques qui concernent son outil de production. Il saura exactement quels sont les points faibles de son dispositif et quels processus doivent être améliorés. Par ailleurs, il aura généralement mis en place des solutions d’amélioration continue qui lui permettront, dès que possible (technologiquement, juridiquement,…) de faire évoluer la sécurité et le savoir-faire de ses équipes.

Bref Il saura combien il doit investir pour corriger les points faibles.

Mais a-t-il les moyens d’anticiper ? A-t-il les moyens de définir quels risques il va accepter et ceux qu’il refuse de prendre ? Si oui, le fait-il correctement pour l’entreprise ? Ou efficacement pour son usine ?

La réponse à ces questions est fondamentale et fera toute la différence entre deux entreprises (toutes choses étant égales par ailleurs).

pilotage des risques
Crédit: Nick Youngson, Alpha Stock Images

Pour répondre à cette question, il est essentiel de comprendre que le pilotage des risques est un levier primordial qui n’intervient pas sur l’amont (ressources, coût, rendement…) mais sur l’aval (marge, valeur, performance…).

Le schéma que couvre le pilotage des risques échappe donc complétement à la vision traditionnelle de recherche de rendement et de productivité alors même que les conséquences liées à ces risques peuvent être dévastatrices pour une organisation.

Si globalement les entreprises sont déjà capables d’identifier leurs risques ou de travailler sur les conséquences des impacts passés, finalement, peu les anticipent.

Il est pourtant possible d’arrêter de subir ces risques même si le risque « 0 » est une utopie. Qui saura anticiper ses risques, saura préserver son résultat et sa performance. En d’autres termes, il préservera ses capacités de croissance future.

Quel dirigeant, lorsqu’il a dû faire face à une crise majeure, ne s’est pas posé la question : « Comment cela a-t-il pu arriver ? » Mais quel dirigeant s’est préalablement posé la question : « Comment aurais-je pu limiter cela ? »

Un risque qui se réalise a un double impact sur les organisations.

D’une part, les engagements pris en début d’année deviennent généralement irréalisables, et d’autre part il anéantit tous les efforts portés par les équipes pour atteindre leurs objectifs de performance, même si individuellement ils sont atteints.

Ainsi, on ne cherche pas à garantir mais à préserver au mieux son EBITDA et sa performance.

Pour arriver à ce résultat, il est nécessaire de repenser son approche des risques dans son organisation. De redéfinir la place des risques dans la stratégie.

Il est évident qu’il n’est pas question de transformer d’un coup l’entreprise, ce serait même contre-productif. Il s’agit bien de définir une démarche d’amélioration continue globale en vue de tendre vers cet objectif.

pilotage des risques

Pour progresser vers cette cible et commencer les réflexions, il est important de déterminer comment se situe son entreprise au travers d’une courbe d’apprentissage et de maturité vis-à-vis du pilotage des risques.

Cette courbe de maturité part en toute logique du minimum réglementaire attendu pour arriver à une évolution de la stratégie et du pilotage global de l’entreprise :

1. Mise aux normes

Se mettre en conformité réglementaire pour pouvoir réaliser son activité sans risquer de pénalités financières. La simple mise en conformité réglementaire présente un investissement faible mais génère peu de ROI. L’impact sur l’EBIDTA est faible.

2. Identification et mesure

Formaliser la connaissance des risques de son activité pour envisager par la suite de les traiter. La connaissance de ses risques est un prérequis nécessaire, mais insuffisant. L’estimation du coût du risque ne permet ni de s’en prémunir, ni de le réduire.

3. Suivi et réduction

Réduire et maîtriser ses risques. La capacité à agir sur ses risques améliore de façon sensible le résultat opérationnel et diminue les impacts non maîtrisés sur l’activité.

4. Pilotage de la performance de l’entreprise

Considérer les risques assumés comme un levier de performance. La convergence des pilotages Risques / Finance / Métiers permet d’intégrer la culture risque dès la définition de la stratégie de l’entreprise. Le coût du risque n’est plus une composante déstabilisatrice, mais un levier de croissance.

Il conviendra également, pour atteindre son objectif, de considérer deux leviers d’actions :

  • La réconciliation du haut et du bas de bilan
  • La mise en lumière de l’effet miroir entre l’amont et l’aval de l’activité

L’objectif de la réconciliation du haut et du bas de bilan est de se mettre en capacité d’absorber un ou plusieurs chocs choisis. Autrement dit d’identifier ce que l’entreprise accepte ou n’accepte pas comme risques.

Celui de l’effet miroir est de s’assurer que depuis le poste fournisseurs, jusqu’au poste clients, la répartition des risques est équilibrée et justement répartie entre les parties.

La prise en considération de tous ces points revient in fine à transformer son pilotage afin de permettre à l’ensemble des acteurs de savoir où il en est dans la prise de risque au regard des objectifs que s’est fixé la société. Chacun pourra ainsi agir sur son périmètre, avec son expertise mais cette fois en se projetant dans une vision d’ensemble et pour le succès de tous.

Pilotage des risques: étapes

Maintenant que les constats sont posés, nous abordons dans les articles suivants le comment en précisant les 4 points de progression et les 2 leviers d’action.