Introduction

En novembre 2007, la communauté bancaire de la zone Euro s’est dotée d’un nouveau système de règlement brut de gros montants, TARGET 2.

TARGET 2 a pris la succession de TARGET, acronyme de Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system. TARGET 2 permet aux banques de transférer entre elles ou pour le compte de leurs clients des paiements de gros montants dans toute la zone Euro.

En France TARGET 2 remplace l’ancien système RTGS, TBF (Transfert Banque de France) et le système net PNS. Avec TARGET2 il n’y a donc plus de système de paiement de gros montants net en France.

Les pays membres de la zone Euro ont migré à TARGET 2 en trois vagues: les pays de la fenêtre 1, qui comprend l’Allemagne (novembre 2007), ceux de la fenêtre 2, avec la France, en février 2008, enfin ceux de la fenêtre 3, avec l’Italie, en mai 2008. La France, l’Allemagne et l’Italie forment les « 3CB », qui sont à l’origine les promoteurs et maîtres d’œuvre de TARGET 2.

Principes

Le principe de fonctionnement est identique pour les 2 générations de TARGET : les virements sont exécutés en temps réel (Real time), et le montant brut (Gross) de chaque paiement est imputé individuellement sur le compte des participants. C’est ce qu’on appelle un système RTGS (Real Time Gross Settlement), par opposition à un système net, où c’est le montant net des flux échangés tout au long de la journée qui est déversé en fin de journée sur le compte de chaque participant.

De plus, les comptes espèces établissements participants sont tenus par les banques centrales qui se portent garantes de l’irrévocabilité du paiement une fois celui-ci exécuté. On parle d’échanges en « monnaie banque centrale » (l’expression contraire étant « monnaie commerciale »).

Techniquement, TARGET 2 diffère sensiblement de TARGET. Celui-ci repose en effet simplement sur l’interconnexion (« interlinking ») via SWIFT des systèmes RTGS de chaque pays membre de la zone Euro, TBF pour la France, RTGS+ pour l’Allemagne, etc. Au contraire, les trois banques centrales à l’origine de Target2 (Banque de France, BundesBank et Banca d’Italia) ont développé une plate-forme informatique intégrée vers laquelle les participants envoient directement leurs ordres de paiement.

Architecture

Cette plate-forme, la « SSP » (Single Settlement Platform) est constituée de plusieurs modules, dont certains sont optionnels pour les banques centrales de la zone Euro.

Modules obligatoires: ces modules hébergent toutes les fonctions requises pour le traitement des opérations des participants.

  • Le PM (Payment Module) constitue le cœur du système puisqu’il est dédié au traitement en temps réel des paiements. (cf. plus bas).
  • L’ICM (Information and Control Module) permet de dialoguer avec la plate-forme pour consulter et contrôler les opérations en cours en mode « User to Application » (mode interactif de consultation et de saisie d’information) ou en mode « Application to Application » (échange de requêtes / réponses via des messages au format XML utilisables par les applications informatiques).
  • Le CM (Contingency Module) est le module de secours destiné à être activé en cas de défaillance de la plate-forme principale
  • Le SDM (Static Data Module) permet aux participants de consulter et modifier les données de référence.

Le Payment Module

Le PM constitue le cœur de la SSP.

Le PM reçoit et traite les ordres de paiement des participants conformes au standard SWIFT des messages de paiement:

  • MT202: paiement interbancaire – l’émetteur donne l’ordre de débiter son compte pour créditer le destinataire du message.
  • MT103 / MT103+: paiement émis par ou vers un client non bancaire. Au niveau du PM, l’effet est le même que celui d’un 202, mais dans les livres de l’émetteur et/ou du destinataire, c’est le compte d’un client qui sera débité / crédité.
  • MT204: ordre de débit direct. Fonctionne à l’inverse du 202: c’est le destinataire du paiement qui est débité au profit de l’émetteur. Pour que ce dernier puisse émettre ce type de message il faut bien évidemment que le destinataire lui en ait donné l’autorisation.

L’échange de messages s’appuie sur le réseau SWIFT. SWIFT achemine les messages de paiement des participants vers la SSP. Grâce au mécanisme de « FIN-COPY », une copie de chaque paiement est également transmise vers le destinataire après exécution. L’émetteur, quant à lui, reçoit un message de confirmation (MT012), lui indiquant que son paiement a bien été exécuté.

Optionnellement, les participants peuvent recevoir des avis de débit (MT900), de crédit (MT910) pour chaque paiement exécuté, ou des relevés espèces (MT950) en fin de journée.

Les participants à Target2

Les participants connaissent les adresses les uns des autres grâce à un annuaire, le TARGET2 Directory, mis à jour quotidiennement.

Il y a plusieurs façons de participer à TARGET 2, mais en résumé on peut dire qu’un participant est « direct » s’il est titulaire de son propre compte tenu dans le PM. À l’inverse un participant indirect n’est pas titulaire de son propre compte mais est adressable (on peut lui envoyer des paiements et il peut en envoyer via TARGET2). Au sein de la plate-forme, les paiements d’un participant indirect sont exécutés sur le compte d’un participant direct qui lui sert d’intermédiaire.

Le PM assure également la tenue des comptes RTGS des participants au nom et sous la responsabilité des banques centrales (tous les comptes sont tenus dans le PM mais un participant ouvre un compte auprès d’une banque centrale de son choix). Par conséquent il génère des fichiers comptables qui permettent aux banques centrales d’enregistrer tous les mouvements d’espèces des banques commerciales dont elles ont la charge.

Les déversements de systèmes exogènes

En sus de permettre aux participants d’échanger en temps réel des paiements, le PM enregistre également ce qu’on appelle les « déversements des systèmes exogènes ». De quoi s’agit-il? En fait il faut savoir qu’il y a au cours de la journée des échanges d’espèces entre établissements bancaires en dehors du système RTGS surveillé par la banque centrale. En France on citera principalement LCH-Clearnet, le système de compensation d’achats-ventes de titres, RGV, la plateforme de règlement-livraison de titres ou le SIT, le système de paiements de petits montants (en passe d’être remplacé par STET dans le cadre du projet SEPA, voir aussi la page sur les projets de place).

Ces systèmes génèrent des soldes espèces qui doivent être imputés sur les comptes des établissements au niveau de la banque centrale pour être considérés comme finalisés. C’est cette imputation qui est déclenchée par les déversements. Ceux-ci peuvent avoir lieu une seule fois en fin de journée, ou bien au contraire plusieurs fois par jour ou la nuit.

Les modules optionnels

Ces modules permettent aux banques centrales qui le souhaitent d’assurer certaines des missions qu’elles remplissent dans le cadre de l’Eurosystème.

  • Le HAM (Home Account Module) est un module de tenue de comptes utilisable par les banques centrales pour tenir au nom des établissements de crédit des comptes en dehors du système RTGS. En France le HAM est utilisé pour tenir les comptes de réserves obligatoires (comptes CNRO) des établissements de crédit.
  • Le SFM (Standing Facilities Module) gère les opérations de « facilités permanentes » pour les banques centrales. Les facilités permanentes sont des opérations de prêt ou de dépôt overnight consenties par les banques centrales aux établissements de crédit qui en font la demande.
  • Le RM (Reserve Management) est un module de calcul des montants de réserves obligatoires (qui n’a pas été retenu par la France).

Enfin des modules réservés aux banques centrales assurent la facturation, l’archivage et le reporting des informations traitées sur la plate-forme.

La gestion de la liquidité

En Europe en 2006, les échanges quotidiens de capitaux dans les systèmes de paiement de montant élevés se sont montés en moyenne à 2 140 milliards d’Euros pour 541 597 opérations, ce qui fait un montant moyen de 4 millions d’Euros par opération. (Source : statistiques publiées sur le site de la Banque de France). Mais il y a quotidiennement plusieurs paiements d’un montant bien plus élevé, allant jusqu’au milliard.

Dans un système RTGS un paiement est exécuté immédiatement si le débiteur dispose de la provision sur son compte espèces, ou bien il est mis en attente. Afin de garantir la fluidité des échanges il est donc de la plus haute importance que les participants disposent en permanence d’une liquidité suffisante sur leur compte. Pour cela ils ont deux possibilités: soit ils ont en permanence un solde créditeur suffisant sur leur compte, ce qui implique de disposer d’une trésorerie potentiellement énorme, soit ils obtiennent du crédit intra-journalier auprès de leur banque centrale.

Le crédit intra-journalier

Comme son nom l’indique le crédit intra-journalier est un crédit qui doit être remboursé en fin de journée.

Avant Target2 le crédit intra-journalier était octroyé dans TBF par la Banque de France sous forme de PLI (Pension Livrée Intrajournalière) ou sous forme de PGI (prêt Garanti Intrajournalier). Ces opérations sont matérialisées par un crédit au compte de l’établissement, crédit qui doit être remboursé en fin de journée.

Avec Target 2, les PLI vont perdurer quelques mois mais le crédit intra-journalier sera surtout octroyé sous forme d’une autorisation de découvert, la ligne de crédit, qui devra également être remboursée en fin de journée.

Le crédit intra-journalier doit être garanti soit par des titres négociables soit par des créances privées. Les actifs remis en garantie (titres et créances privées) par l’établissement de crédit constituent le collatéral , que la banque centrale peut revendre afin de solder sa perte en cas de défaillance de l’établissement de crédit (cas qui ne se présente, virtuellement, jamais).

En France le démarrage de Target 2 coïncide avec un nouveau mode de gestion du collatéral remis en garantie auprès de la Banque de France, le projet « 3G » (comme « Gestion Globale des Garanties » – plus d’information sur ce projet sur le site de la Banque de France).

Les mécanismes d’optimisation de la liquidité

Target 2 met en place plusieurs mécanismes d’optimisation de la liquidité disponible.

Le pooling de liquidité permet à un établissement (ou à plusieurs établissements membres du même groupe) de globaliser la liquidité disponible sur ses comptes au niveau d’un « compte virtuel », permettant ainsi à un compte temporairement débiteur de puiser sur la liquidité disponible sur un autre.

Des niveaux de priorité différents peuvent être affectés aux paiements par l’émetteur, permettant de faire avancer plus vite les paiements urgents. Les paiements sont répartis en 3 files d’attente distinctes en fonction de leur niveau de priorité.

Chaque niveau de priorité peut faire l’objet d’une réservation de liquidité: le participant décide de garder de côté sur son compte une somme minimale qui ne sera utilisée par la SSP que pour les paiements urgents ou très urgents.

Les participants peuvent définir des limites, bilatérales ou multilatérales, c’est-à-dire le solde minimum en-deçà duquel ils ne veulent pas descendre dans leurs échanges avec une contrepartie donnée, ou avec l’ensemble des participants pour lesquels aucune limite bilatérale n’a été définie.

Enfin la SSP utilise en permanence plusieurs algorithmes d’optimisation, qui vont en permanence analyser le contenu des files d’attente de manière à exécuter un maximum de paiements tout en respectant les contraintes (priorités, limites, …) définies par les participants.