La crise financière de 2008 a mis cruellement en lumière un certain nombre de dysfonctionnements de la sphère financière. Parmi ceux-ci, la grande difficulté à gérer la défaillance d’une entité financière de grande taille et inextricablement connectée avec un grand nombre d’autres entités: les fameuses TBTF, « Too Big To Fail ». Après avoir laissé chuter Lehman , pour l’exemple semble-t-il, les gouvernements ont massivement renfloué les autres banques en difficulté, employant pour cela avec générosité l’argent du contribuable. Ce sont les fameux « bail-out », renflouement en bon français.
Le contribuable ne laisse pas de manifester un certain mécontentement. Mais surtout il y a quelque chose de malsain à ce que certains acteurs économiques se retrouvent ainsi en quelque sorte exemptés des contraintes d’une saine gestion sous prétexte que la puissance publique se verra de toute façon obligée de leur venir en aide en cas de difficulté. C’est ce qu’on appelle le « hasard moral », traduction peu satisfaisante de « moral hazard ». Pour ne citer qu’un exemple en relation avec la suite de cet article, le marché tend ainsi à leur affecter une prime de risque faible, du simple fait qu’ils bénéficient de cette garantie implicite, leur permettant ainsi d’emprunter à des taux particulièrement bas par rapport à la qualité réelle de leurs actifs.
« Plus jamais ça », a dit le G20. Il faut trouver un autre système. C’est ainsi que les régulateurs ont inventé le « bail-in ». Plus question de ponctionner l’argent du budget des États, cette fois ce sont les créanciers de l’établissement bancaire en difficulté qui devront mettre la main à la poche. Parmi les créanciers d’une banque, il y a bien sûr en premier lieu les déposants. Mais ceux-ci sont protégés par le fond de garantie des dépôts, et puis de toute façon les appeler à contribuer, comme Chypre a voulu le faire, serait encore plus désastreux pour l’image de la profession. Les créanciers qui devront se mobiliser en cas de difficulté seront donc les détenteurs d’obligations.
Comment procéderait-on? Tout simplement, à partir du moment où la banque entre en procédure de redressement, les autorités de régulation auraient la possibilité soit d’imposer la conversion en actions soit d’effacer purement et simplement une partie de la dette émise par la banque. Cela permettrait ainsi mécaniquement d’améliorer la solvabilité de l’établissement, en réduisant la part du passif exigible dans son bilan. Certains établissements ont commencé à émettre de la dette spécifiquement destinée à être convertie en capital en cas de besoin. Cette dette est évidemment pricée plus cher par le marché, car plus risquée. Plus généralement, on constate que la perspective du « bail-in » a permis de ramener les primes de risque sur les obligations bancaires à des niveaux plus réalistes qu’avant la crise.
Fini de renflouer les banques avec de l’argent public, on les renflouera avec de l’argent…
du public!
Il reste tout de même à se demander qui serait affecté vraiment en cas de bail-in d’un ou plusieurs (les crises ayant tendance à affecter l’ensemble de la sphère financière simultanément) établissements bancaires. Le contribuable est protégé et peut dormir sur ses deux oreilles. Ce sont « les créanciers » – donc d’affreux financiers – qui paieront le renflouement des affreuses banques. Qui sont ces créanciers? Pas d’autres banques! Ce sont des compagnies d’assurance, des fonds de pension, des sociétés de gestion. D’où vient leur argent? Des épargnants individuels, principalement: assurances-vie, OPCVM, plans d’épargne retraite. Bref au lieu de renflouer les banques avec de l’argent public, on les renflouera avec de l’argent…du public.
Ceci est dit sans acrimonie aucune d’ailleurs. Le moment est peut-être enfin venu de comprendre que la monnaie, ce n’est pas seulement l’argent que chacun détient et qu’il veut à tout prix et à juste titre protéger de la rapacité de l’Etat, des banques, etc. La monnaie c’est avant tout un bien public. Et les banques sont au cœur du système qui permet d’allouer la monnaie au sein du système économique. D’une manière ou d’une autre, la santé du système bancaire est et restera un bien d’intérêt public.