Rencontres climat et finance durable (2)

Etude de cas : Transition énergétique et écologique, les enjeux d’un fonds actions

Philippe Dutertre, Direction des Investissements, AG2R LA MONDIALE, membre du Comité Stratégique de l’Af2i, Vice-Président du Forum pour l’Investissement Responsable, et copilote du GTESG-Climat de la FFA.

Comment s’est déterminé votre engagement dans la finance verte?

Bénédicte Mougeot, Gérante actions ISR et du fonds TEEC, HSBC EUROPE EQUITY GREEN TRANSITION

La révélation est venue lors d’un séjour à Hong Kong en 2008. J’ai été choquée par la gabegie énergétique, par le rendement financier des sociétés minières alors que leur impact sur l’environnement est terrible.

HSBC s’engage sur le long terme afin d’orienter les clients vers le financement de la transition énergétique.

La construction du fonds est calquée sur le label Novethic. Le fonds investit dans l’industrie ou la chimie qui apporte des solutions en terme de développement durable ainsi que dans les énergies renouvelables.

Philippe Taffin, CIO, AVIVA FRANCE

Mon engagement est ancien également. J’ai participé à la création du concours fabrique Aviva doté de un million d’euros pour promouvoir l’économie sociale et environnementale.

Quel est le fonds ISR idéal? Ce n’est pas évident! Il faut établir une expertise, choisir des cibles, définir des critères de sélection des entreprises, par exemple: quelle part du chiffre d’affaires est généré par des activités vertes?

Le label TEEC impose des règles de construction: univers européen principalement,  modèle économique durable, orienté vers la transition énergétique. Le portefeuille doit rester attractif financièrement et le risque maîtrisé.

La nouvelle frontière à conquérir, c’est la clientèle retail. La promotion de L’ISR repose sur l’engagement et non sur la communication: il s’agit de faire ce qu’on dit dans une démarche sincère. Le client a besoin d’un lien de confiance avec le gestionnaire du fonds et de pédagogie. Les labels présentent un intérêt dans ce cadre car ils permettent une comparabilité entre les fonds.

Keynote speaker – Karien Van Gennip, CEO, ING FRANCE et Ancienne Ministre du commerce extérieur aux Pays-Bas

Il n’y a pas de planète B. Lors des accords de Paris (COP21), pour la première fois les entreprises ont pris l’initiative! Aujourd’hui les choses ont changé, mais nous n’avons que  5 % de chance d’atteindre les objectifs de la COP21! On remarque un désengagement des citoyens et des états.

Des signes d’espoir toutefois: Trump se retire de l’accord de Paris mais la Californie et l’État de New York réaffirment leur engagement vis-à-vis de cet accord.

Une chose est sûre: ne rien faire coûtera bien plus cher sur le long terme. Les citoyens, les entreprises et les gouvernements doivent agir ensemble dans une Europe forte et unie.

ING investit sur la durabilité. Une nouvelle génération de banquiers arrive. La finance responsable attire des talents. C’est bon pour le business: les entreprises durables sont les gagnants de demain. C’est un marché en croissance. N’attendons pas que les autres agissent ou que les gouvernements votent des lois.

En tant que banque, notre pouvoir est dans notre bilan. A horizon 2025 ING ne financera plus le carbone. ING innove avec le “positive investment”: doubler le portefeuille durable par la création d’un fonds “Sustainable investment”.

L’intérêt du marché pour les greens bond est démontré. ING émet des green bond pour compte propre ou pour le compte de ses clients. On note une difficulté à trouver des projets éligibles. Il y a une demande des investisseurs moins volatile que sur les obligations classiques.

Qu’est-ce que c’est “vert” ou “”durable”? Pour éviter le greenwashing, il faut une validation indépendante des investissements fait par le green bond. Il n’y a pas de définition de la finance verte; il faut des critères et des reporting fiables et communs.

ING développe le “sustainability improvement loan”: prêt aux entreprises durable avec des conditions plus attractives en fonction de l’impact sur la transition écologique. Ce modèle est maintenant copié par les autres banques. Il permet une discussion avec le CFO de l’entreprise avec un impact direct sur la gouvernance d’entreprise.

Ce type de produit demande beaucoup de travail de vérification. Il faut recourir à des agences de rating indépendantes, mettre  au point de nouveau système de notation et de nouveaux KPI (Key Performance Indicator) en interne. Le dialogue avec l’entreprise financée se met en place sur des bases différentes: financement et durabilité.

Un deal à la fois… Comment aller plus vite?

Le Projet Terra (Terra approach) se donne pour objectif d’atteindre l’accord de Paris dans le portefeuille de crédits des banques. Il propose une évaluation globale du portefeuille de crédits suivant une approche scientifique et Open Source. L’analyse se fait secteur par secteur, y compris les secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Le but est d’identifier les mesures nécessaires: que faut-il changer et quand, quels changements technologiques sont nécessaires par secteur.

Le portefeuille de crédits d’ING représente  500 milliards d’euros. C’est beaucoup mais ce n’est pas assez: l’invitation est lancée aux autres banques. BBVA,  BNP, SG et Standard Chartered ont rejoint le projet. On arrive à 2,4 million d’euros. C’est une initiative d’avenir.

Table ronde: Comment aligner l’économie et une stratégie low – carbone

Stéphane Voisin, Directeur sustainable finance, INSTITUT LOUIS BACHELIER

La finance durable et un domaine plus complexe que la finance mainstream en termes de données, de risques et scénarios et de mesures d’impact.

Comment aligner l’économie sur l’objectif 2°C?

L’empreinte carbone n’est ni un indicateur de risque ni un indicateur d’impact. Les émissions de CO2 continue d’augmenter bien que les portefeuilles soient de plus en plus décarbonés.

Quels scénarios pour l’analyse de risque et l’analyse d’impact? La VaR climat est un peu un oxymore voire une escroquerie! Depuis 30 ans, la proportion des énergies fossiles dans le monde est et reste de  80 %.

Arnaud Faller, Directeur des investissements, CPR AM

Le devoir de l’asset manager et de maximiser la performance dans une enveloppe de risque maîtrisée. Aujourd’hui on réalise que l’environnement a des impacts sur les portefeuilles au niveau micro et macro-économique.On doit tenir compte du risque climat dans la construction des portefeuilles. En même temps, les entreprises sont au cœur de la transition énergétique.

Des ONG telles que CDP assurent la publication climat des entreprises et note 5000 sociétés dans le monde. Notre politique d’investissement consiste à retenir les sociétés notées A et B dans les portefeuille. Nous appliquons de surcroît un filtre ESG au sens large.

CPR AM soutient l’initiative Science Based Target qui fournissent aux entreprises un chemin de croissance en précisant l’ampleur et la rapidité avec lesquelles elles doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Ghislain Périssé, Responsable de la stratégie Assurance EMEA, SCHRODERS

La démarche commence par le diagnostic carbone du portefeuille, puis le pilotage avec comme objectif +1°C. Mais cette approche conduirait à éliminer totalement l’industrie du portefeuille!

Il faut se placer sur le long terme. 1 % seulement des actifs actuellement sont réputés “verts”. Donc il faut aider les entreprises dans la transition.

On voit déjà que le prix de l’assurance habitation va augmenter en France car il y a une multiplication des événements climatiques. L’impact va être le même sur les entreprises. Dans le domaine obligataire, l’évaluation des trajectoires doit prendre en compte le coût du risque environnemental et le coût de l’assurance.

Manuel Coeslier, portfolio manager and  member of the Technical Expert Group on Sustainable Finance at European Commission, MIROVA

Agréger les empreintes carbone individuelles au niveau du portefeuille pose des problèmes car les données sont hétérogènes. Il faut une méthode harmonisée de calcul de l’empreinte carbone. Le calcul de l’empreinte carbone constitue le volet “négatif” de la stratégie d’investissement. L’alignement sur l’objectif transition écologique en est le positif. La méthodologie s’appuie sur les scénarios technologiques envisagés par l’AIE (Agence Internationale de l’Energie)

Joel Prohin, Responsable Gestion actifs compte propre, CAISSE DES DEPOTS

L’empreinte carbone est un moyen de communication mais il faut aller plus loin. Le débat est focalisé sur le monde equity or les instruments de taux sont majoritaires pour les investisseurs institutionnels: 70 à 75 % des portefeuilles, dont une énorme masse d’émetteurs souverains. Nous sommes donc tributaires des engagements des Etats.

En ce qui concerne les obligations financières, nous sommes tributaires de la politique d’octroi de crédit des banques. Dans ce domaine, l’investisseur à moins d’accès direct au management que dans le monde action.

La Caisse des Dépôts investit sur le long terme. Sii CDC liquidait les 17 % des lignes les plus polluantes elle réduirait de 80 % l’empreinte carbone de son portefeuille! CDC prône le  dialogue avec le management pour augmenter la transparence.

Enfin la question se pose du raisonnement en impact absolu ou relatif (par rapport à un benchmark, par exemple un indice. Le souhait est évidemment de mesurer en absolu car c’est là que se situe le véritable impact du portefeuille.

La CDC a une obligation légale et même une “ardente obligation” de participer au développement économique de la France. Nous avons une responsabilité fiduciaire à très long terme. Les engagements sont à prendre aujourd’hui pour les assureurs. CDC a une politique d’engagement sur les souverains sur des critères ESG.

Guillaume Hintzy, Directeur Financements et Trésorerie, SNCF RESEAU

SNCF est émetteur de green bond. Sans les entreprises,  il n’y aura pas de transition, pas de projets verts, pas de finance verte. Ill y a beaucoup de pression sur les entreprises. On manque de mécanismes incitatifs. Sur le marché des green bond il y a un décalage entre  l’offre et la demande: il y a une forte demande des investisseurs mais les émetteur ne suivent pas.

SNCF participe au lancement du Corporate forum on sustainable finance dont l’objectif est est de contribuer au développement d’instruments financiers  « verts » et « sociaux » s’inscrivant dans une logique de finance durable.

On est dans un environnement de liquidité abondante à taux bas: les CFO n’ont pas d’appétence pour les green bond. Il faudrait que les projets classique soient plus coûteux que les projets “verts” si on veut que les projets verts se qualifient.

Jean-Yves Wimotte, manager, Carbone 4

Carbone 4 conseille les entreprises dans la mesure et le pilotage de leur empreinte carbone. Il existe des objectifs normatifs pour les entreprises. La mesure de l’empreinte  au niveau portefeuille ne veut plus rien dire. Il faut une analyse sectorielle; cette analyse peut conduire à ne pas exclure une entreprise si on prend en compte les réductions d’émissions induites par cette entreprise.

On tient compte du  niveau absolu de l’empreinte carbone ainsi que de la vitesse de réduction. La démarche consiste à  évaluer les stratégies des entreprises et déterminer si l’entreprise est vulnérable au risque de transition.

Il faut développer la notation climatique des émetteurs souverains et privés. Les Sociétés de gestion et les agences de notation doivent travailler à des outils.

La BCE est en train de bouger.

Alors que l’horizon se rapproche, on se trouve confronté à un dilemme car le potentiel de croissance va baisser, mais l’inflation peut augmenter.

L’EIOPA s’intéresse aussi au sujet. Il est envisagé d’accorder un risque de taux plus faible si l’émetteur s’engage pour le climat: ce qu’on appelle le green supporting factor. Toutefois, aucune étude ne démontre que les entreprises soutenables ont un  risque de crédit inférieur à la moyenne! L’analyse des projets verts et leur impact sur le risque de crédit est un sujet complexe. Les investisseurs craignent l’apparition d’une bulle.

La taxonomie permettant de discriminer ce qui est vert de ce qui est brun pour reallouer  le capital risque d’induire une vision manichéenne, à quoi s’ajoute un effet de seuil. Par exemple la voiture électrique est verte,  mais seulement si l’électricité qui l’alimente l’est aussi. Ainsi un actif “brun” qui s’inscrit dans une économie circulaire reste pourtant brun.

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