Tout comme la volatilité implicite est au cœur du pricing des options, la corrélation des défauts des assets composant le portefeuille de référence est une des composantes essentielles des modèles de pricing d’une tranche de CDO.

Il faut distinguer deux notions de corrélation de défaut : la corrélation implicite (compound corrélation) initialement utilisée par les marchés comme convention de quotation et la corrélation de base (base correlation) qui possède en plus des propriétés essentielles : conservation des espérances de pertes, interpolation et extrapolation plus simple et unicité de la solution.

Dans cet article, nous présenterons donc d’abord la corrélation implicite ainsi que les limites de celle-ci puis nous étudierons la base corrélation avec ses avantages et sa méthode de calcul pour les tranches cotées sur le marché.

Définition et limites de la corrélation implicite

La corrélation implicite d’une tranche [K1,K2] est déterminée en calculant une corrélation flat qui égalise le prix de la tranche avec le prix coté sur le marché. Cette corrélation dépend des deux seuils de la tranche : le point d’attachement K1 et le point de détachement K2.

Cependant, le principal problème de la corrélation implicite est l’existence d’un smile de corrélation indiquant que la corrélation implicite est plus élevée sur les tranches equity et senior que sur les tranches mezzanine.

Le second problème de cette corrélation est la non-conservation de l’espérance de perte (la somme des jambes de protection des tranches n’est pas égale à la somme des jambes de protection du portefeuille de CDS sous-jacent car les jambes de protection des tranches n’ont pas la même corrélation) ce qui est contraire au principe de non-arbitrage.

En effet l’espérance de perte de la tranche [K1,K2] est donnée par :

TotalExpectedLoss=E_{ρ(K_11;K_12)}[min(L(T);K_12)-min(L(T);K_11)]

avec ρ(K1;K2) la corrélation implicite de la tranche [K1,K2] et L(T) la fraction de pertes à la date T.

Si on décompose la tranche [K1,K2] en n tranches [K11,K12], [K12,K13], … , [K1n-1,K1n] avec K11=K1 et K1n=K2, on obtient :

TotalExpectedLoss= \\
E_{ρ(K_11;K_12)}[min(L(T);K_12)-min(L(T);K_11)] \\ 
+E_{ρ(K_12;K_13)}[min(L(T);K_13)-min(L(T);K_12)] \\ 
+.... \\ 
+ E_{ρ(K_{1n-1};K_{1n})}[min(L(T);K_{1n})-min(L(T);K_{1n-1})]

Comme on utilise des corrélations différentes pour les différentes tranches, on ne peut pas simplifier cette équation.

De plus, le pricing de tranches bespoke (avec des points d’attachement et de détachement non standards) est très complexe. En effet, la corrélation implicite ρ(K1;K2) est une fonction à deux paramètres, or l’interpolation dans un espace à deux paramètres nécessite énormément d’informations qui ne sont pas nécessairement données par le marché des tranches standards.

Par contre, cette corrélation implicite possède un avantage : elle peut être calculée sur n’importe quelle tranche sans avoir à la calculer sur d’autres tranches.

Définition de la base correlation

Le concept de la base corrélation est une solution aux problèmes de la corrélation implicite. Le principe est de se ramener systématiquement à des tranches equity pour assurer l’unicité de la corrélation.

L’idée est donc que la perte d’une tranche [0,K2] est égale à la perte de la tranche [0, K1] plus la perte de la tranche [K1,K2].

Le payoff de la tranche [K1,K2] est donc la différence entre une tranche equity avec K2 comme point de détachement et une autre tranche equity avec K1 comme point de détachement. On associe donc des corrélations différentes à chaque tranche equity. On obtient alors :

ExpectedLoss = E_{ρ(K2)}[min(L(T);K_2)] - 
	E_{ρ(K1)}[min(L(T);K_1)]

Où ρ(K1) est la corrélation associée à la tranche [0,K1] et ρ(K2) est la corrélation associée à la tranche [0,K2].

Alors qu’on calculait la corrélation flat nécessaire pour que chaque tranche égalise la cotation du marché pour la correlation implicite, on évalue ici chaque tranche comme la différence entre deux tranches equity et on calcule la corrélation flat nécessaire pour que chaque tranche equity égalise la cotation du marché.

Avantages de la base correlation

L’avantage principal de la base corrélation sur la corrélation implicite est la conservation des espérances de pertes :

TotalExpectedLoss = \\ E_{ρ(K_12)}[min(L(T);K_12)]  - E_{ρ(K_11)}[min(L(T);K_11)] \\
+ E_{ρ(K_13)}[min(L(T);K_13)] - E_{ρ(K_12)}[min(L(T);K_12)] \\
+ ... \\
+ E_{ρ(K_{1n})}[min(L(T);K_{1n})] - E_{ρ(K_{1n-1})}[min(L(T);K_{1n-1})] \\ = E_{ρ(K_2)}[min(L(T);K_2)] - E_{ρ(K_1)}[min(L(T);K_1)]

Cette conservation des espérances de pertes est la raison majeure pour préférer la base corrélation à la corrélation implicite car elle reflète la réalité. En effet, acheter de la protection sur une tranche 3-6% et sur une tranche 6-9% doit être similaire à acheter une protection sur une tranche 3-9%.

De plus, à l’inverse du smile de la corrélation implicite, la base correlation présente un skew donc si une solution existe, elle est unique.

L’autre avantage de la base corrélation sur la corrélation implicite est que l’approche de la base corrélation nous permet d’interpoler la courbe de base corrélation pour déterminer la valeur de tranches sur le même portefeuille mais avec des strikes non standards. En effet, nous avons déjà vu que la corrélation implicite est une fonction à deux paramètres et que le marché ne fournit pas assez d’informations pour l’interpolation dans un espace à deux paramètres. Par contre, la base corrélation est une fonction à un paramètre ce qui facilite grandement l’interpolation.

Inconvénient de la base corrélation

Malgré ces avantages, le calcul de la base corrélation ρi associé au strike Ki nécessite le calcul de toutes les base corrélations ρh avec h=1,2,…,i-1 de proche en proche.

Calcul de la base correlation pour les tranches cotées sur le marché

Premiers calculs

En appliquant une méthode de proche en proche, on peut déterminer les base corrélations pour les points de détachement liquides. L’équation générale de la valeur d’une tranche est la suivante :

PV_ρ(K_1;K_2) = PV_p^{JF}(K_1;K_2) - PV_p^{JV}(K_1;K_2)

Les paiements de la jambe fixe et de la jambe variable sont, à la date t, des fonctions uniquement de la perte de la tranche L(t;K1;K2) qui est elle-même une simple fonction de la perte du portefeuille L(t). Il suffit alors de modéliser la distribution de la perte du portefeuille de référence.

La valeur actuelle de la jambe fixe est :

S(K_1;K_2) \sum_{i=1}^{N_t} \Delta(t_{i-1}; t_i) Z(t_i) E[1 
	- L(t_i; K_1; K_2)] \times Nominal

avec Z(t) le taux Libor entre 0 et t.

Pour être vraiment précis, on devrait ne pas considérer que la prime payée à la date ti est payée sur le notionnel de la tranche à la date ti mais prendre en compte la date de survenue d’un défaut. En pratique, l’approximation utilisée est de considérer que la prime est payée sur le notionnel moyen entre ti et ti-1 :

S(K_1;K_2) \sum_{i=1}^{N_t} \Delta(t_{i-1}; t_i) Z(t_i) E[1 
	- (L(t_{i-1};K_1;K_2) - L(t_i;K_1;K_2))/2] \times Nominal

Or, la probabilité de survie de la tranche est :

Q(t_i;K_1;K_2) = E[1 - L(t_i;K_1;K_2)]

Donc la valeur actuelle de la jambe fixe peut s’écrire :

S(K_1;K_2) \sum_{i=1}^{N_t} \Delta(t_{i-1};t_i) Z(t_i) 
	[Q(t_{i-1};K_1;K_2) - Q(t_i;K_1;K_2)] \times Nominal

La valeur actuelle de la jambe variable pour un nominal de 1 est :

S(K_1;K_2) \sum_{i=1}^{N_t} \Delta(t_{i-1};t_i) Z(t_i) 
	[Q(t_{i-1};K_1;K_2) - Q(t_i;K_1;K_2)] - \int_0^TZ(s)(-dQ(s;K_1;K_2))

La courbe de survie d’une tranche est une fonction de la perte du portefeuille :

Q(t_i;K_1;K_2) = 1 - (E_{ρ(K_2)}[min(L(T);K_2)] - 
	E_{ρ(K_1)}[min(L(T);K_1)])/(K_2 - K_1)

On note que, excepté la tranche [0,K1] et la tranche [KN,100%], chaque valeur actuelle de tranche est une fonction de deux base corrélations. Mais, étant donné que les tranches sont contigües (le point de détachement d’une tranche est le point d’attachement de la suivante), on peut déterminer les valeurs des tranches une à une en utilisant la valeur de la tranche précédente.

Calcul de la tranche equity [0,K1]

La probabilité de survie de la tranche est :

Q(t;0;K_1) = 1 - (E_{ρ(K_1)}[min(L(T);K_1)])/K_1

On cherche alors ρ(K1) tel que PV (0; K1) = 0.

On obtient ainsi ρ(K1), la base corrélation associée au strike K1 qui est égale à la corrélation implicite.

Calcul de la tranche [K1,K2]

La probabilité de survie de la tranche est :

Q(t;K_1;K_2) = 1 - (E_{ρ(K_2)}[min(L(T);K_2)] - 
	E_{ρ(K_1)}[min(L(T);K_1)])/(K_2 - K_1)

Ce qui correspond à :

Q(t;K_1;K_2) = \omega Q(t;0;K_2) + (1 - \omega) Q(t;0;K_1)

avec :

\omega=(K_2)/(K_2 - K_1)

La valeur actuelle de la tranche (K1,K2) peut donc s’écrire :

PV_ρ(K_1;K_2) = \omega (S(K_1;K_2))/2 \sum_{i=1}^{N_t} 
	\Delta (t_{i-1};t_i)Z(t_i)[Q(t_{i-1};0;K_2)-Q(t_i;0;K_2)] \\
- \omega \int_0^TZ(s)(-dQ(s;0;K_2)) \\
+(1-\omega)(S(K_1;K_2))/2 \sum_{i=1}^{N_t} \Delta 
	(t_{i-1};t_i)Z(t_i)[Q(t_{i-1};0;K_1)-Q(t_i;0;K_1)] \\
- (1 - \omega) \int_0^TZ(s)(-dQ(s;0;K_1))

ρ(K1) est fixe donc Q(ti; 0; K1) est également fixe. On obtient ainsi ρ(K2) la base corrélation associée au strike K2. On remonte ensuite dans le niveau des séniorités de proche en proche. Cette méthode permet de garantir une unique solution pour chaque corrélation.

Finalement, pour déterminer la base corrélation, nous avons besoin de la distribution des pertes du portefeuille (on en déduit la distribution des pertes de la tranche) et de la courbe de survie de la tranche.