Le collatéral dans la Finance : définition

🎯 Le collatéral en finance représente un actif déposé en garantie par un emprunteur (le débiteur) à son créancier. En cas de défaillance, le prêteur peut conserver cet actif afin de se dédommager. Autrement dit, le collatéral permet de couvrir le risque de crédit résultant des transactions financières négociées entre deux parties.

L’usage de remettre du collatéral, ou « collatéraliser » les opérations (néologisme fréquemment utilisé), a connu un développement constant ces dernières années, et la crise financière de 2007-2008 a bien sûr encore accru ce développement. La mise en place des accords de Bâle 2, qui permettent de réduire l’exigence en capital pour les opérations couvertes par du collatéral, est également un facteur d’intérêt pour cette pratique. La gestion du collatéral disponible, c’est-à-dire utilisable pour être remis en garantie, devient donc un enjeu stratégique pour les acteurs.

A l’inverse, les marchés organisés et les chambres de compensation associées, en concentrant les expositions réciproques des acteurs, permettent de réduire ces exigences en collatéral (même s’il en faut pour participer à la compensation, il en faut moins que ce qu’il faudrait pour couvrir les mêmes volumes négociés en bilatéral !).

Contextes d’utilisation du collatéral

Opérations bilatérales

Le transfert de collatéral est une pratique courante sur les marchés OTC (Over The Counter). Les opérations collatéralisées les plus connues sont d’abord les repos ou pensions livrées, qui sont des prêts de cash garantis par du collatéral titres. Les prêts-emprunts de titres, eux sont des prêts de titres garantis par du collatéral cash ou titres. Sur le marché des dérivés OTC (swaps, dérivés de crédit), l’usage de garantir les opérations par du collatéral est également devenu très répandu.

Les règles de gestion du collatéral sont alors généralement définies dans un accord bilatéral (convention cadre) signé par les deux parties préalablement au début des négociations. Cet accord stipule un certain nombre d’éléments sur lesquels nous allons revenir plus bas : les types d’actifs transférables en garantie, les règles de valorisation de ces actifs, les seuils d’appel de marge, si le collatéral reçu peut être réutilisé (« rehypothecation » en anglais), etc.

Participation aux chambres de compensation

Les marchés organisés de titres ou de produits dérivés fonctionnent en règle générale en relation avec une chambre de compensation. Celle-ci se substitue aux participants, devenant l’acheteur de tous les vendeurs, et le vendeur de tous les acheteurs (mécanisme de la novation). De ce fait elle assume le risque de contrepartie à leur place.

Pour se couvrir contre ce risque, elle va demander des dépôts de garantie, donc du collatéral, dont la valeur va être calculée en fonction des positions ouvertes par le participant. La réévaluation quotidienne de ces positions en fonction des prix du marché donne lieu à des appels de marge.

Opérations de refinancement de la banque centrale

Les banques commerciales ont la possibilité de trouver des financements auprès de la banque centrale de leur pays de résidence. Au sein de l’Eurosystème, comme d’ailleurs dans la plupart des pays, ces prêts ne sont accordés par la banque centrale que contre du collatéral remis en garantie. Ces garanties peuvent être des titres négociables – la liste des titres admis aux opérations de refinancement de l’Eurosystème est régulièrement mise à jour et publiée sur le site de la BCE.

Les établissements de crédit peuvent également remettre en gage des créances sur des débiteurs non financiers, ce qui correspond plus ou moins à l’ancienne pratique dite du « réescompte », qui est aujourd’hui totalement abandonnée. Ici aussi, des règles précises définissent l’éligibilité des créances ainsi mobilisées.

Systèmes de règlement brut en temps réel (systèmes RTGS)

Les systèmes de paiement et de règlement-livraison bruts en temps réel (ESES, TARGET2) ont pour caractéristique que toutes les transactions présentées sont soit dénouées immédiatement et imputées sur les comptes des participants, soit mises en attente. Ces systèmes présentent l’avantage de la sécurité, l’imputation étant immédiate et irrévocable, il n’y a pas l’incertitude liée à l’imputation différée en fin de journée des systèmes nets. Par contre ils nécessitent pour fonctionner correctement que les participants disposent d’une marge de liquidité importante. Cette marge, ou « pouvoir d’achat », va leur être donnée via du crédit intra-journalier, à nouveau garanti par du collatéral.

Dans ESES, c’est le mécanisme de la PLC (Pension Livrée Conservatoire) qui permet aux participants qui momentanément ne disposent pas de la liquidité nécessaire sur leur compte, de continuer à dénouer leurs achats de titres. Dans TARGET2, c’est le mécanisme de la ligne de crédit. Dans les deux cas, le crédit intrajournalier est accordé par la Banque de France pour les établissements de crédit français, et garanti, dans ESES par des titres choisis dans la même liste que les titres éligibles aux opérations de refinancement, et dans TARGET2 par le même pool de collatéral (titres et créances privées) que celui qui couvre les opérations de refinancement (à hauteur du montant total du pool diminué de la valorisation des opérations de refinancement en cours).

Choix des actifs apportés en collatéral

Le collatéral peut être soit des titres négociables, soit du cash (le cas des créances privées mobilisées dans le cadre du refinancement des établissements de crédit de l’Eurosystème est très spécifique, quoique largement utilisé dans ce contexte).

Aux Etats-Unis, les « performance bonds » en français des « lettres de crédit », sont également très utilisés. La lettre de crédit est un document émis par une banque ou une compagnie d’assurance, en faveur d’un tiers, et s’engageant à couvrir les dettes de celui-ci en cas de défaillance, généralement à hauteur d’un montant maximum.

Quand il s’agit de titres négociables, ceux-ci sont généralement choisis parmi des « valeurs sûres » (titres d’Etat ou d’émetteurs notés « triple A » par les agences de notation) et liquides, pour permettre au créancier, en cas de défaillance du débiteur, de récupérer facilement sa créance en les vendant sur le marché. Afin de ne pas générer de complications inutiles, on évite souvent de remettre en garantie des titres qui arrivent à échéance ou qui paient un coupon (cf. OST) pendant la durée de l’opération couverte. On évite également le collatéral dont la valeur de marché serait étroitement liée à la valorisation du contrat couvert.

Quand il s’agit de cash, celui-ci est généralement rémunéré par le créancier au taux du marché (EONIA dans le cas de l’Euro).

Mode de transfert du collatéral

Le collatéral peut être transféré en pleine propriété du débiteur au créancier, contre l’engagement par ce dernier de restituer la même quantité du même titre ou de cash à l’échéance de la créance. Dans ce cas, le créancier peut éventuellement (cela dépend de l’accord préalablement négocié) réutiliser ce collatéral pour le remettre en garantie dans d’autres opérations. Si le collatéral reçu est sous forme de cash, il va bien évidemment le placer car il s’engage généralement à rémunérer le débiteur dans ce cas.

Le collatéral peut également être « nanti » (pledged). Dans ce cas, les titres remis restent la propriété du débiteur, qui peut en disposer à son gré, quitte à en apporter d’autres pour continuer de couvrir sa dette. Quand les titres sont dématérialisés, ils sont enregistrés sur un compte d’instruments financiers qui est lui-même nanti ou gagé au profit du créancier.

Le collatéral peut être transféré directement du débiteur au créancier qui en assure la garde jusqu’à l’échéance de la créance couverte. Il peut être également géré par un tiers de confiance. On appelle cela le « tri-party collateral ». Cette pratique est répandue sur le marché du REPO, on parle alors de « tri-party repo ». En effet les tâches relatives à la gestion du collatéral sont très lourdes, c’est pourquoi certains établissements font le choix d’alléger leurs back-offices en externalisant cette gestion.

Les règles de gestion du collatéral

Modes de gestion du collatéral

Le collatéral peut être lié au contrat, c’est-à-dire que chaque opération est garantie individuellement par une ou plusieurs lignes de titres. Réciproquement, chaque ligne de titres transférée en collatéral est associée à une seule opération.

Le problème avec ce mode de gestion c’est son manque de souplesse dès qu’il y a plusieurs opérations en cours entre les deux parties. Par exemple, si le débiteur a remis deux fois le même titre, sur deux opérations différentes, et qu’il veut récupérer son titre, il va falloir faire deux substitutions de collatéral (une par opération).

Le collatéral peut également être géré « en pool ». Dans ce cas, le débiteur constitue auprès du créancier un panier d’actifs, dont la valeur globale doit couvrir l’ensemble des opérations en cours. De cette façon, les substitutions de garanties sont plus faciles.

Mode de calcul des expositions

Bien évidemment, le plus souvent lors de négociations bilatérales les engagements des deux parties sont réciproques, si bien que chacune des deux parties est exposée au défaut de l’autre. Il convient dans ce cas de déterminer à l’avance si les calculs d’exposition prévoient ou non un netting (compensation) des engagements :

  • Si le netting est permis, alors c’est seulement la partie dont l’exposition est négative (ses engagements sont supérieurs à ses créances) qui doit poster du collatéral à l’autre, à hauteur de la différence. Cette pratique est répandue sur le marché des dérivés OTC.
  • Si le netting n’est pas permis, alors chaque partie doit livrer à l’autre du collatéral à hauteur de ses engagements bruts. Cette 2ème méthode est évidemment plus gourmande en collatéral. C’est le schéma basique de la pension livrée, le collatéral restant associé à l’opération de prêt de cash.
  • Une solution intermédiaire consiste à livrer systématiquement du collatéral lors de la mise en place de chaque nouveau contrat, et à le restituer systématiquement à l’échéance, pour un montant égal à la valeur de marché du contrat. Seule la prise en compte des variations quotidiennes des contrats et du collatéral via les appels de marge se faisant sur une base nette.

Valorisation du collatéral et des opérations

À intervalles réguliers, le plus souvent quotidiennement, le stock de collatéral doit être revalorisé, ainsi que le stock de contrats (sur le marché OTC) ou de positions ouvertes (sur les marchés organisés) que le collatéral est censé couvrir.

Les contrats ouverts sont valorisés à leur valeur de marché ou MTM (Mark To Market). Suivant le type de contrat, la valorisation tient compte des caractéristiques de l’opération négociée (nominal, taux, …) et aussi des prix de marché constatés. La valorisation peut être affectée d’une marge (margin), généralement supérieure à 100%, c’est-à-dire que l’on va surestimer la valeur du contrat de façon à demander davantage de collatéral. Cette valorisation permet de déterminer l’exposition, c’est-à-dire la perte à laquelle le détenteur des contrats est exposé en cas de défaillance de la contrepartie.

De même, le collatéral est valorisé à son prix de marché. Le collatéral peut être affecté d’une décote ou haircut, c’est-à-dire qu’il va être valorisé à un prix inférieur à sa valeur de marché théorique, de façon à nouveau à demander davantage de collatéral. Le haircut peut dépendre de la nature du collatéral : le cash aura un haircut de zéro car c’est le collatéral le plus sûr et le plus facile à liquider en cas de défaut ; en fonction de la nature de l’émetteur, les titres auront un haircut plus ou moins élevé.

La marge ou la décote (haircut) sont bien évidemment spécifiées dans l’accord-cadre qui lie les deux parties. Les deux mécanismes ont pour objet d’ajouter une marge de sécurité au créditeur, de façon à tenir compte des possibles fluctuations de la valeur du collatéral entre deux appels de marge. Ils s’utilisent rarement simultanément.

Sur le marché de gré à gré (OTC), chaque partie revalorise toutes les opérations en cours et le stock de collatéral donné ou reçu, puis les deux parties confrontent leurs résultats. Il y a évidemment souvent des désaccords, qui peuvent venir de différences dans la source de prix choisie, ou d’erreurs dans le stock de contrats. Un rapprochement des positions ouvertes de part et d’autre peut alors s’avérer nécessaire. Ces traitements sont très consommateurs en ressources techniques et humaines, d’où l’intérêt de recourir à un tiers (tri-party repo).

Sur les marchés organisés, les positions ouvertes sont valorisées par la chambre de compensation pour ses adhérents directs. Une méthode très utilisée est la méthode SPAN (Standard Portfolio ANalysis) mise au point par le CME (Chicago Mercantile Exchange) et utilisée par de nombreuses chambres de compensation dont LCH.Clearnet.

En ce qui concerne les opérations de refinancement de la banque centrale, celles-ci, ainsi que le collatéral associé, sont bien évidemment revalorisées par la banque centrale elle-même.

Dépôts de garantie et appels de marge

Le dépôt de garantie, en anglais « initial margin », désigne le montant initial de collatéral destiné à couvrir une nouvelle position. Un montant seuil (threshold) peut être défini, c’est-à-dire que les positions ouvertes ne commenceront à être couvertes qu’à partir du moment où leur valeur dépasse ce seuil.

Les appels de marge (margin call ou margin variation) désignent les flux de collatéral échangés à chaque nouvelle revalorisation du stock. Là aussi, afin d’éviter des frais inutiles, un seuil est défini en deçà duquel l’échange n’aura pas lieu.

Substitution de collatéral

Le débiteur peut demander à récupérer tout ou partie d’une ligne de titres déposée en collatéral. Dans ce cas il devra remplacer le collatéral restitué par un autre actif de même valeur.

Opérations sur titres

En général, on évite de remettre ou laisser en collatéral un titre susceptible de subir une opération sur titres pendant la durée du dépôt. Si toutefois cela se produit, l’usage est que le produit de l’OST soit restitué au propriétaire initial du titre.