L’ensemble des services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 du code monétaire et financier constitue un terreau fertile à la survenance de conflit d’intérêts et plus spécifiquement entre le prestataire de services d’investissement et la clientèle.

C’est ce constat qui est à l’origine de la mise en place d’une obligation d’information sur la rémunération des prestataires de services d’investissement.

Taux de distribution SCPI

Pourquoi une obligation d’information ?

La directive 2004/39/CE concernant les produits financiers (MIF I) instaure un dispositif de protection transposé ultérieurement au niveau national de l’investisseur, basé sur une information de ce dernier en ce qui concerne la rémunération des prestataires de services d’investissement.

Ce dispositif fut aiguisé par la directive 2006/73/CE de niveau II, précisant les modalités d’exécution de la directive MIF. On peut également rappeler ici les travaux du Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM, devenu depuis l’ESMA), et notamment son document de mai 2007 intitulé « Inducements under MIFID, recommendations (CESR/07-228b) », ainsi que le rapport d’avril 2010 nommé « Avantages : rapports sur les bonnes et mauvaises pratiques (CESR/10-295) », qui furent repris ultérieurement par l’AMF.

L’article 26 de la directive de niveau II précise l’information quant aux avantages et rémunérations perçus par les prestataires de services d’investissement. Il a été transposé à l’article 314-76 du règlement général de l’AMF (RGAMF).

La raison d’être de ce dispositif est double :

  • d’une part, l’imbrication des prestataires de services d’investissement dans des réseaux intégrés liés aux émetteurs, ce qui favorise les rétrocessions.
  • d’autre part : l’élargissement de l’éventail des activités exercées par les entreprises d’investissement.

Les services financiers concernés

Les situations dans lesquelles le respect du principe de primauté des intérêts des clients est susceptible d’être mis à mal sont celles dans lesquelles le prestataire de services d’investissement peut influer sur les décisions prises par les investisseurs.

Il s’agit avant tout des activités de conseil ou, a fortiori, celles dans lesquelles il prend la décision en lieu et place du client, c’est-à-dire la gestion pour compte de tiers.

Toutefois, l’intégralité des activités d’investissement mentionnées aux articles L.321-1 et D.321-1 du code monétaire et financier est concernée par le dispositif posé par l’article 314-76 du règlement général de l’AMF.

Sont donc concernés les services suivants, ainsi que les services connexes à ces derniers :

  • la réception-transmission d’ordres pour le compte de tiers
  • l’exécution d’ordres pour le compte de tiers
  • la négociation pour compte propre
  • gestion individuelle et / ou collective
  • le conseil en investissement
  • la prise ferme
  • le placement garanti
  • le placement non garanti
  • l’exploitation d’un système multilatéral de négociation

Le dispositif de prévention des conflits d’intérêts dans MIF I

Le dispositif de prévention des conflits d’intérêts en matière de rémunérations et avantages s’organise autour de trois piliers principaux :

  • l’identification et la classification des rémunérations et avantages,
  • ainsi que l’idée de leur transparence comme outil de traitement contre les conflits d’intérêts,
  • et enfin le critère de l’amélioration de la qualité du service au client et de la capacité à agir au mieux des intérêts du client.

La présente analyse opérera dans un premier temps un décryptage de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF, instauré avec la Directive MIF I (actuel article 314-13 RGMAF). Ensuite, les modalités pratiques de mise en œuvre de cet article seront abordées.

Tout intermédiaire bancaire ou financier a l’obligation d’être transparent vis-à-vis des rémunérations qu’il perçoit de la part des entreprises dont il vend les produits ou services. Grâce à cette réglementation, tout client a donc le droit d’être informé des potentiels conflits d’intérêts. D’autres indicateurs doivent en outre être pris en compte pour bien choisir son conseiller financier.

Mesures de protection des investisseurs

L’article 314-76 du règlement général de l’AMF prévoyait un dispositif de protection de l’investisseur, autour de deux notions essentielles :

  • les concepts de rémunérations et d’avantages,
  • ainsi que la notion de client.

Identification et classification des rémunérations et autres avantages versés ou perçus

L’article 314-76 du Règlement général de l’AMF (RGAMF) fait référence à « des rémunérations, des commissions ou des avantages non monétaires ». Il présente :

  • les différents types de rémunérations,
  • et les conditions auxquelles ces dernières doivent satisfaire pour que le prestataire de services d’investissement (PSI) soit considéré comme agissant d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts d’un client, dans le cadre d’une prestation de service d’investissement ou d’un service connexe à un client.

En clair, l’article 314-76 du RGAMF définit les exigences permettant de déterminer la régularité et la validité des rémunérations, commissions ou avantages non monétaires perçus par les prestataires de services d’investissement. Ceet article prohibe les avantages pouvant donner naissance à des situations de conflit d’intérêts.

La nature des rémunérations concernées

L’article 314-76 du RGAMF opère une distinction entre plusieurs types de rémunérations :

  • 1°) l’hypothèse classique d’une rémunération, d’une commission ou d’un avantage non monétaire versé ou fourni au client ou par celui-ci, ou à une personne au nom du client ou par celle-ci : ce cas ne pose pas de problèmes majeurs en matière de conflit d’intérêts,
  • 2°) les rémunérations, commissions ou avantages non monétaires versés ou fournis à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci. C’est donc le cas courant d’un versement de la part d’un producteur de produits financiers à l’entreprise de services d’investissement qui est visé ici. Ce type de relations pouvant introduire un conflit d’intérêts entre le client et l’entreprise de services d’investissements, l’article 314-76 pose donc une double exigence :
    • une obligation d’information du client quant à l’existence, la nature et le montant (ou à défaut des modalités de son calcul) de la rémunération du PSI,
    • une obligation d’amélioration de la qualité du service fourni par l’entreprise de services d’investissements au client (cf infra pour les modalités d’exécution).
  • 3°) enfin, les rémunérations qualifiées d’appropriées, qui permettent la prestation de services d’investissements ou sont nécessaires à cette prestation. Il s’agit principalement des droits de garde, des commissions de change et de règlement, des droits dus aux régulateurs et les frais de procédure. Concernant cette catégorie de rémunération, l’article 314-76 du RGAMF écarte de manière non équivoque l’hypothèse de conflit d’intérêts. Signalons toutefois que le rapport de l’ESMA en date du 19 avril 2010 (CESR/10-295) pose une exigence de vérification des conditions requises pour qu’une rémunération fasse partie de cette catégorie. Cette obligation est à la charge du PSI. De même, le rapport susmentionné définit la catégorie de rémunérations envisagée au 3° de l’article 314-76 de manière limitative et exclut de ce périmètre les rémunérations perçues au titre du service lui-même.

La notion de client au sens de l’article 314-76 du le Règlement général de l’AMF

La notion de client est fondamentale dans l’article 314-76 du règlement général de l’AMF issu de la Directive MIF 1. Les régulateurs adoptent une conception large de cette notion.

Définition des clients bénéficiaires de l’information sur les rémunérations et avantages

De prime abord, le terme client désigne l’investisseur qui fait appel à une entreprise de services d’investissement. L’exemple classique est ici le cas d’une prestation de conseil en investissement délivrée par l’entreprise à un investisseur.

Néanmoins, le terme « client », peut revêtir un tout autre sens, notamment dans l’hypothèse d’un enchevêtrement de relations clients-prestataires. Ainsi, un prestataire de service d’investissement peut être le client d’un autre prestataire de services d’investissement (par exemple d’un « broker »). Cette situation est représentée par le schéma ci-après :

Schéma représentant une superposition de relations clients / fournisseurs

notion clients conflits d'intérêts

Mais, au profit de quel client doit jouer le dispositif de protection mis en place par l’article 314-76 du règlement général de l’AMF ?

Sur qui repose l’exigence d’information du client ?

Position retenue par l’ESMA

Cette problématique fut à l’origine de nombreux débats doctrinaux, notamment dans le cadre du Consultation Paper de l’ESMA de décembre 2006 (CESR/06-687).

Une partie des participants à cette consultation s’était positionnée en faveur d’une application distributive à chaque prestataire de services d’investissements.

Néanmoins, la complexité de l’opération ainsi que sa lourdeur poussa l’ESMA dans son Feedback Statement de mai 2007 (CESR/07-31) à focaliser le dispositif de protection uniquement sur la relation finale entre le client investisseur et l’entreprise de services d’investissements. Ainsi, l’exigence d’information du « client » incombe à l’entreprise de services d’investissements en relation avec le client final.

Application au schéma de distribution

Si l’on considère le schéma exposé ci-dessus, la seule relation que le dispositif envisage est celle entre l’investisseur (Mr. X) et l’entreprise d’investissement (Investment Firm G).

Notez par ailleurs que le dispositif impose l’obligation de mentionner au client les rémunérations, commissions et avantages non monétaires reçus par l’entreprise de services d’investissement pouvant influer d’une quelconque manière sa relation avec l’investisseur. L’entreprise d’investissement devra donc mentionner les rémunérations éventuelles qu’elle a pu recevoir, par exemple de la part du distributeur (Fund Distributor).

Par contre, le dispositif n’aborde pas la relation entre l’entreprise d’investissement (Investment Firm G) et le distributeur (Fund Distributor). Le distributeur n’a donc pas à satisfaire aux exigences d’information de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF vis-à-vis de son « client », l’entreprise d’investissement. Ainsi, seule l’entreprise d’investissement (Investment Firm G), en relation directe avec le client final (Mr.X) devra informer ce dernier de toute rémunération, commission ou avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci.

La notion de tiers au sens de l’article 314-76, 2°) du Règlement général de l’AMF

La notion de tiers permet de faire la distinction entre l’application de l’article 314-76, 2°, a) et celle de l’article 314-76, 2°, b) du RGMAF. Pour mémoire, le texte en vigueur lors de la transposition de MIF I était le suivant :

Le prestataire de services d’investissement est considéré comme agissant d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux les intérêts d’un client lorsque, en liaison avec la prestation d’un service d’investissement ou d’un service connexe à ce client, il verse ou perçoit une rémunération ou une commission ou fournit ou reçoit un avantage non monétaire suivant :

(…)

2° Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l’avantage ou, lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul.

Cette information est fournie de manière complète, exacte et compréhensible avant que le service d’investissement ou connexe concerné ne soit fourni.

Le prestataire de services d’investissement peut divulguer les conditions principales des accords en matière de rémunérations, de commissions et d’avantages non monétaires sous une forme résumée, sous réserve qu’il s’engage à fournir des précisions supplémentaires à la demande du client et qu’il respecte cet engagement ;

b) Le paiement de la rémunération ou de la commission, ou l’octroi de l’avantage non monétaire, a pour objet d’améliorer la qualité du service fourni au client et ne doit pas nuire au respect de l’obligation du prestataire de services d’investissement d’agir au mieux des intérêts du client ;

(…)

Article 314-76, 2°) du Réglement Général de l’AMF

L’hypothèse d’un paiement par un tiers à l’entreprise d’investissement

Selon la consultation publique de l’ESMA de décembre 2006 « Inducements Under Mifid » (CESR/06-687), la présence d’un paiement émanant d’un tiers à l’entreprise d’investissement impose l’application du dispositif de l’article 314-76, 2°, b), c’est-à-dire l’amélioreration de la qualité du service fourni au client et le respect de l’obligation du prestataire de services d’investissement d’agir au mieux des intérêts du client.

Toutefois, dans certains cas où le tiers agit au nom et pour le compte du client, c’est l’article 314-76, 2°, a) qui s’applique.

Le tiers agissant pour le compte du client

Pour justifier sa position, l’ESMA détermine préliminairement les circonstances entrainant l’application de l’article 314-76, 2°, a). Selon l’autorité, ce dernier s’applique dans les hypothèses où le client paye une facture directement, ou par l’intermédiaire d’une tierce partie oeuvrant au nom de celui-ci, comme un avocat ou un comptable.

Dans cette hypothèse, la tierce partie ne constitue qu’un « conduit » de paiement ou d’acceptation de la facture, agissant pour le compte du client. Cette vision est corroborée par l’absence de relation contractuelle entre le tiers oeuvrant au nom du client et l’entreprise recevant le paiement indirectement de la part du client-investisseur.

Ensuite, l’ESMA envisage un cas de figure plus complexe, doté de 2 entreprises d’investissements. On peut illustrer cette situation par le schéma ci-dessous :

notion tiers conflit d'intérets

Il faut envisager ici que l’entreprise d’investissement (Investment Firm A) fournisse une prestation de conseil et/ou de RTO à son client (Client B). Cette prestation à pour impact que l’entreprise d’investissement va transmettre un ordre à une autre entreprise d’investissement (Investment Firm C), qui remplit une mission de Broker.

Suite à l’opération d’exécution de l’ordre du client réalisée par la seconde entreprise d’investissement (Investment Firm C), cette dernière va transmettre une confirmation d’exécution à l’entreprise d’investissement initial ainsi qu’au client.

Concernant le paiement des frais de l’entreprise d’investissement A par le client, ce dernier peut tout simplement demander à l’entreprise d’investissement C de les régler par le biais du compte du client chez cette dernière. Dans cette hypothèse, l’entreprise d’investissement C doit mettre en évidence qu’il ne s’agit pas de ses propres frais et, dans le cadre du paiement susmentionné, agira au nom du client.

C’est, encore une fois, le fait que le protagoniste agisse pour le compte du client qui pousse à une application du dispositif de l’article 314-76, 2°, a). Ce dernier exemple met en avant les circonstances restreintes d’application de l’article 314-76, 2°, a).

Ainsi, l’ESMA conclut son exposé en affirmant que l’hypothèse du versement d’une commission de la part d’un émetteur de produits financiers à une entreprise d’investissement sera le plus souvent envisagée sous l’angle de l’article 314-76, 2°, b).

En résumé

314-76, 1)314-76, 2)314-76 3)
Nature des « inducements« Rémunération / commission /
Avantage non monétaire versé ou fourni au client ou par celui, ou à une personne au nom du client ou par celle-ci
Rémunération / commission / rétrocession / Avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ciRémunération appropriée : Droits de garde / commissions de change et de règlement / frais de procédures…
Client– Client final
– PSI
Le client final :
– Doit être informé de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l’avantage ou, lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul
– Le service fourni au client doit se voir amélioré du fait du versement de la rémunération, qui ne doit pas nuire au respect de l’obligation du PSI d’agir au mieux des intérêts du client
De par la nature des rémunérations considérées, le client est à l’abri de la survenance d’un conflit d’intérêts en matière de rémunération
TiersSi présence d’un tiers, ce dernier agit au nom du client
Ex : Avocat / Comptable / Tout mandataire / Courtier RTO
– Reçoit ou verse une rémunération / commission ou un avantage
– N’agit pas au nom du client
– Il s’agit le plus souvent d’un PSI ou d’un producteur
Tout tiers
Applications de la réglementation de prévention contre les conflits d’intérêts dans les services d’investissement

Les modalités d’exécution du dispositif de l’article 314-76 du RGAMF

Au sujet de l’exécution par les entreprises des exigences posées, le rapport de l’ESMA du 19 avril 2010 (CESR/10-295) indique qu’une minorité des entreprises d’investissement a mis en place les procédures d’identification puis de classification des rémunérations visées.

Dans cette optique, il encourage différentes bonnes pratiques, parmis lesquelles :

  • la définition et la formalisation de dispositifs et de procédures d’identification puis de classification des rémunérations et avantages,
  • l’antériorité du travail d’identification et de classification par rapport au versement de la rémunération ou de l’avantage,
  • la mise en place de contrôles de conformité afin de vérifier le respect des règles relatives aux rémunérations et avantages,
  • le fait que dans l’hypothèse de plusieurs prestataires de service d’investissements participant au processus de distribution, chacun d’entre eux doit se conformer à son obligation de communication d’informations à l’attention des clients auxquels il fournit des services d’investissement ou des services connexes.

Les modalités d’exécution du mécanisme de protection de l’investisseur instauré par l’article 314-76 du RGAMF sont de deux types :

  • d’une part, la transparence,
  • d’autre part, le critère de l’amélioration de la qualité du service au client ainsi que celui de la capacité à agir au mieux des intérêts de ce dernier.

La transparence comme outil de traitement des conflits d’intérêts

La transparence apparaît comme l’un des critères permettant de déterminer la légitimé des rémunérations envisagées au 2° de l’article 314-76.

Des précisions quant aux exigences doctrinales en matière de transparence sont apportées par le document de l’AFECEI d’octobre 2009 intitulé « transparence de la rémunération des distributeurs dans le cadre de la commercialisation d’OPCVM », ainsi que dans le rapport de l’ESMA du 19 avril 2010 (CESR/10-295).

La philosophie générale de ce dispositif se base sur un système de fourchettes. Selon l’AFECEI, l’information fournie aux clients par les entreprises peut consister en :

  • une fourchette comprenant un taux minimum et un taux maximum,
  • ou une fourchette basée sur un taux moyen pondéré par les encours avec un taux maximum de X %.

Le rapport de l’ESMA, pour sa part, apporte différents éclaircissements sur l’information au client. Il affirme par exemple que les informations génériques sont insuffisantes et que l’antériorité de l’information par rapport à la prestation de services d’investissement est nécessaire. Enfin, le PSI doit utiliser des fourchettes raisonnables.

Le critère de l’amélioration de la qualité du service au client et de la capacité à agir au mieux des intérêts des clients

Le critère final permettant de déduire la légitimité d’une rémunération ou d’un avantage non monétaire est celui de l’amélioration de la qualité du service au client et la capacité à agir au mieux des intérêts des clients.

Si la notion de capacité d’agir au mieux des intérêts des clients ne semble pas poser de difficulté d’interprétation, celle de l’amélioration de la qualité du service du client est nettement plus délicate.

Une rémunération justifiée par l’amélioration de la qualité du service rendu

Cette question de la qualité du service fourni au client se pose principalement dans le cadre de l’activité de conseil.

En l’absence d’éléments tangibles spécifiques permettant de justifier d’une amélioration du service fourni (service pour lequel le gérant sous mandat est déjà rémunéré directement par le client), la perception de telles rétrocessions pourrait être considérée comme non-conforme aux obligations résultant de la directive MIF.

Le travail préalable de sélection des fonds ou autres instruments financiers cibles ne paraît pas, à cet égard, pouvoir être distingué du service de gestion de portefeuille puisqu’il en est une des composantes essentielles.

L’ESMA soutient que la condition de l’amélioration de la qualité du service fourni au client ne pourrait être remplie que si le prestataire améliore le service qu’il fournit au client sur la même durée que celle de la perception de ces paiements.

Ainsi, dans le cas de la fourniture d’un service de conseil en investissement, il pourrait par exemple être considéré que cette amélioration consiste à s’assurer périodiquement, avec le client, que le conseil initialement donné sur un instrument financier particulier reste pertinent au regard des caractéristiques de ce client, de son portefeuille et des données de marché.

La directive 2006/73/CE d’application de la MIF prévoit que la perception d’une commission en rapport avec des conseils en investissement ou des recommandations générales par l’entreprise d’investissement doit être considérée comme visant à améliorer la qualité des conseils en investissement fournis au client si et seulement si cette commission n’a pas pour effet de biaiser ces conseils et recommandations.

L’ESMA, dans son document de mai 2007, élargit ce raisonnement aux schémas de distribution ne comportant pas la fourniture d’un service de conseil ou d’une recommandation à caractère général, dans la mesure où les commission reçues peuvent être considérées comme ayant pour objet d’améliorer la qualité du service fourni au client du fait que ce dernier puisse se voir offrir un service d’investissement sur une gamme plus étendue de produits.

Eléments concrets à apprécier pour déterminer l’entrave à la réglementation

L’ESMA, dans sa consultation publique CESR/06-687 de décembre 2006, avance différents indices permettant de déterminer si la commission, rémunération ou l’avantage non monétaire constitue un obstacle ou non au devoir de l’entreprise d’agir au mieux des intérêts du client et si ce dernier bénéficie d’une amélioration du service dont il dispose.

Ces indices sont les suivants :

  • La nature de l’investissement ou du service connexe mis à disposition du client ainsi que le fait que l’entreprise agisse ou non comme un agent du client. On peut préciser que l’existence de devoirs spécifiques à l’égard du client, différenciés des obligations de l’article 314-6 du RGAMF, constituent également un indice.
  • La nature et l’importance du bénéfice, en regard de l’amélioration du service proposé au client. Le rapport de proportionnalité entre le bénéfice de l’entreprise et celui du client, résultant du versement d’une commission, d’une rémunération ou d’un avantage non monétaire doit être apprécié.
  • L’impact du bénéfice reçu par l’entreprise sur son comportement.
  • La détermination de l’évolution de l’incitation pour l’entreprise d’investissement d’agir au mieux des intérêts du client.
  • Les circonstances du versement de la rémunération, de la commission ou de l’avantage non monétaire. Cet indice prend toute son importance dans l’hypothèse du versement d’un avantage non monétaire.

En résumé

Services d’investissement concernés En théorie -> L’intégralité des services mentionnés à l’article L 321-1 du code monétaire et financier

En pratique -> Principalement le conseil et la gestion
TransparenceInformation relative à la rémunération :
– Sous la forme du montant exact effectivement perçu
– Sous la forme du mode de calcul de ces avantages et rémunération
– Sous la forme de fourchettes
– Sous la forme d’un pourcentage maximal dont l’assiette doit être clairement exprimée

Distinction entre paiements récurrents et paiements ponctuels
Amélioration du service Nécessité pour le prestataire d’améliorer le service fourni au client sur la même durée que celle de la perception de ces paiements

Présence indispensable d’éléments tangibles permettant de justifier de l’amélioration du service fourni au client
Primauté de l’intérêt du client Doit être en permanence préservé
Obligations des services d’investissement en matière de prévention des conflits d’intérêts

Annexe : tableau récapitulatif des paiements autorisés selon le règlement général de l’AMF – Article 314-76

Rémunérations et avantages autorisés – Article 314-76 RGAMF : points 1) et 3)
Ceux payés directement ou indirectement, par un tiers agissant pour le compte du client, entre le client et l’entreprise d’investissement
Ceux payés à un tiers par l’entreprise d’investissement qui permettent ou sont nécessaires à la prestation du service et ne peuvent occasionner de conflits d’intérêt entre l’entreprise d’investissement et ses clients

Rémunérations et avantages autorisés moyennant le respect de certaines conditions cumulatives – Article 314-76 RGAMF : point 2)
Ceux payés à un tiers ou reçus d’un tiers, lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
– ils sont divulgués au préalable au client
– ils ont pour objet l’amélioration du service fourni au client
– ils ne nuisent pas au respect, par l’entreprise d’investissement, de l’obligation qui lui incombe d’agir au mieux des intérêts du client

Notez que la Directive MIF I a connu une refonte en 2014, avec la Directive MIF II. De nouvelles obligations viennent désormais compléter le dispositif.