Introduction

Pour ceux qui aiment la lecture, voici la liste des principaux rapports publiés par des institutions nationales ou internationales au sujet de la crise financière de 2007-2009. S’ils n’y sont pas tous, si vous avez connaissance d’un document intéressant qui ne serait pas mentionné ici, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires ! À noter que nous nous intéressons essentiellement aux mesures préconisées en vue de pallier les dysfonctionnements de la sphère financière qui ont été révélés par la crise de 2007-2009. Ces mesures portent soit sur la régulation, c’est-à-dire la mise au point des lois, règles et standards encadrant l’activité des marchés, soit sur la supervision, c’est-à-dire les moyens par lesquels les autorités surveillent l’application de ces règles et sanctionnent les manquements.

Forum de Stabilité Financière

Le Forum de Stabilité Financière (auquel a succédé depuis le Conseil de Stabilité Financière) a été un des premiers à dégainer dès avril 2008 avec un premier rapport dirigé par Mario Draghi, gouverneur de la Banque centrale d’Italie (Banca d’Italia): « Report of the Financial Stability Forum on Enhancing Market and Institutional Resilience » (74 pages). Ce rapport a déjà fait l’objet de deux compléments, dédiés à l’implémentation, en octobre 2008 et en avril 2009.

Le rapport initial consacre une brève première partie aux défaillances identifiées de la sphère financière. L’essentiel du texte porte ensuite sur les mesures envisagées:

  1. renforcer la surveillance du capital réglementaire, de la liquidité et de la gestion des risques
  2. améliorer la transparence et la valorisation
  3. changer le rôle et l’utilisation des agences de notation
  4. renforcer la capacité des autorités de tutelle à réagir face aux risques
  5. mettre en place des procédures de gestion des risques systémiques

A noter qu’en avril 2008 tout y est déjà ou presque. En revanche, nombre des « mesures » proposées ressemblent surtout soit à des déclarations d’intention, exemple: « Supervisors will assess the cyclicality of the Basel II framework and take additional measures as appropriate. », soit carrément à des vœux pieux, exemple: « Regulators and supervisors should work with market participants to mitigate the risks arising from remuneration policies. »

Groupe des 30

Le groupe des trente est une organisation privée, internationale, constituée de membres venant du public et du privé, qui se donne pour objectif d’améliorer la compréhension des questions financières et économiques. Ce n’est pas une institution dotée d’un quelconque pouvoir mais plutôt un groupe de réflexion. Le rapport, intitulé « Financial reform: a framework for financial stability » (82 pages), dont la rédaction a été supervisée par Paul Volcker, ancien gouverneur de la Federal Reserve et de Jacob Frenkel, vice-président de AIG et ancien gouverneur de la banque centrale d’Israël, a été publié en janvier 2009. Il est tout entier dédié à la réforme du système financier, et sa portée d’envergure mondiale fait qu’il mérite d’être signalé ici. Il s’organise autour des grands thèmes suivants:

  1. éliminer les failles et les faiblesses dans la régulation et la supervision
  2. améliorer la qualité et l’efficacité de la régulation et de la supervision
  3. renforcer les politiques et les standards des institutions financières
  4. rendre les marchés plus transparents et leurs infrastructures plus robustes

Commission européenne

La commission européenne a confié la supervision de son propre rapport à un comité créé pour l’occasion, « The High level group on financial supervision in the EU », présidé par Jacques de Larosière, ancien directeur du FMI et ancien gouverneur de la Banque de France. Il a été publié en février 2009. Ses 86 pages reviennent d’abord sur les causes de la crise économique et financière, présentées de façon claire et synthétique, puis l’importance de la régulation et son influence sur l’économie. Enfin il fait bien évidemment la part belle aux réformes réglementaires. Il traite en détail de la réglementation européenne, mais aussi de sa transposition au niveau des Etats membres, et avance aussi des préconisations valables au niveau mondial. En voici les grandes lignes:

  1. réformer la réglementation et remédier à ses défaillances
  2. réformer le cadre réglementaire européen
  3. réformer le cadre réglementaire au niveau mondial

La présentation du rapport en courts chapitres, avec les recommandations dans des encadrés distincts, en rend la lecture aisée et compréhensible. Les propositions de réforme du contexte réglementaire au niveau européen, si elles sont effectivement implémentées, remplaceraient les actuels « comités de niveau 3 » (CESREBA et EIOPA) par des autorités dotées de pouvoir d’intervention renforcés, ce qui constituerait une évolutions majeure. C’est un document très intéressant. A noter que Jacques de Larosière a également participé à l’élaboration du rapport du groupe des 30.

Etats-Unis

Le rapport du département du Trésor américain, produit sous la direction de Henry Paulson, remonte à mars 2008 et est tout entier (212 pages!) dédié à la réforme réglementaire aux Etats-Unis. Il s’intitule « Blueprint for a modernized financial regulatory structure« . Il revient longuement sur l’historique du cadre réglementaire actuel, caractérisé par un véritable émiettement des responsabilités. Puis il propose des recommandations à court puis moyen terme, avant de décrire l’infrastructure cible « optimale ». Dans l’esprit des rédacteurs, celle-ci devrait s’organiser autour des objectifs de la régulation:

  1. stabilité des marchés, objectif confié à la Federal Reserve
  2. surveillance prudentielle des institution financières, objectif confié à un organisme nouveau,
  3. surpervision de la conduite des affaires, objectif confié également à un organisme nouveau.

Le cadre réglementaire cible serait ainsi profondément différent du cadre actuel, qui a semble-t-il fait la preuve de son inefficacité.

Grande-Bretagne

Le rapport de la FSA, l’autorité de tutelle du Royaume Uni, a été rédigé par Lord Turner, président de la FSA lui-même et intitulé en toute simplicité « The Turner review: a regulatory response to the global banking crisis ». Son principal mérite est de revenir longuement (40 pages sur 117 au total) sur les causes et le déroulement de la crise, avec force graphiques à l’appui. Il faut dire qu’il bénéficie déjà d’un certain recul, ayant été publié en mars 2009. Les réformes proposées se répartissent en plusieurs rubriques parmi lesquelles on ne note rien de nouveau par rapport à ce qu’ont pu proposer les autres rapports:

  1. capital réglementaire, comptabilité et liquidité
  2. couverture géographique et institutionnelle de la réglementation
  3. assurance des dépôts
  4. gestion des défaillances bancaires
  5. agences de notation
  6. rémunération
  7. infrastructure de marché des CDS
  8. analyse macro-prudentielle
  9. révision du cadre d’opération de la FSA
  10. gouvernance et gestion des risques dans les institutions financières
  11. encadrement des activités de trading dans les banques
  12. coordination international de la supervision
  13. coordination européenne de la supervision
  14. questions ouvertes

Le rapport Turner sollicite la contribution des acteurs de la place, d’où la présence de questions ouvertes. A noter aussi la référence à la nécessaire coordination internationale et en particulier européenne, une concession majeure venant de Grande Bretagne!

La FSA a été remplacée par la FCA en avril 2013.

France

La France a eu droit à deux rapports d’inspirations sensiblement différentes.

Le premier a été confié à René Ricol, actuel médiateur du crédit, dans le contexte de la présidence française de l’Union Européenne. Ce « Rapport sur la crise financière » focalise de ce fait ses recommandations sur la réglementation européenne. Publié en septembre 2008, il pourrait donc constituer un prélude au rapport de Larosière. En fait, il traite des questions soulevées par la crise sous un angle assez politique, en analyse tous les aspects, formulant au passage des recommandations. Certains sujets abordés comme les marchés des matières premières, ou la lutte contre la fraude financière, détonent par rapport à la teneur des autres rapports, généralement plus techniques. C’est un document original par rapport aux autres et aussi très détaillé (166 pages).

Le rapport Deletré quant à lui, publié en janvier 2009, est consacré à la question de la supervision des activités financières en France. Il est rédigé par Bruno Deletré, inspecteur des finances, ancien membre du comité exécutif de la banque Dexia. Les propositions, très techniques et étayées par des argumentations détaillées, s’organisent autour des axes suivants:

  1. maintenir la proximité entre la Banque Centrale et le contrôle prudentiel
  2. maintenir la distinction entre contrôle prudentiel et supervision des marchés
  3. introduire la convergence européenne dans les objectifs des autorités de supervision
  4. développer l’approche macro prudentielle
  5. renforcer le rôle des Collèges au sein des autorités de supervision
  6. distinguer les commissions de sanction des collèges de supervision
  7. rapprocher les autorités d’agrément des autorités de contrôle
  8. associer les professionnels à la supervision
  9. concentrer le contrôles prudentiel des mutuelles
  10. rapprocher le contrôle des banques et celui des assurance
  11. rapprocher le contrôle du respect des obligations professionnelles des services financiers et des assurances à l’égard de la clientèle

Une longue annexe (d’une centaine de pages) revient sur l’organisation de la supervision en Allemagne, en Espagne, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

G20

Quant au G20, qui est rappelons-le une entité purement informelle, sans existence et sans pouvoir juridique, il n’a comme on vient de le voir que l'embarras du choix des sources d’inspiration. En fait on pourrait voir le G20 comme une sorte de « comité de direction » du monde, en charge d’examiner et d’entériner le travail fourni en amont durant des mois par une armée de fonctionnaires anonymes.

En ce qui concerne la régulation financière, les communiqués du G20 reprennent donc les mesures proposées par les divers rapports décrits précédemment sans y apporter rien de nouveau. De plus, bien que la réunion d’avril 2009 à Londres ait été bruyamment saluée comme un succès, alors que celle de novembre 2008 à Washington était censée avoir accouché d’une souris, c’est bien dans le communiqué de novembre 2008 que l’on trouve avec le plus de précisions le plan d’action adopté par le G20 pour réformer la finance mondiale. Ce plan d’action s’organise autour des axes suivants:

  1. transparence de l’information comptable et financière
  2. renforcement des régimes réglementaires et supervision de tous les acteurs y compris les agences de notation
  3. défense de l’intégrité des marchés
  4. renforcement de la coopération internationale
  5. réforme des institutions financières internationales