Origine de l'économie carbone et de la finance carbone
Certains gaz de l'atmosphère, principalement le dioxyde de carbone (CO2), mais aussi le méthane (CH4), les halocarbures (HFC et PFC), le protoxyde d'azote (N2O) et l'hexafluorure de soufre (SF6), sont appelés Gaz à Effet de Serre (GES – GHG Greenhouse Gas) : ils agissent comme une couverture naturelle qui conserve la chaleur de la terre. L'activité humaine contribue à une augmentation de l'épaisseur de cette couverture, avec des effets potentiels de réchauffement significatif de la planète et de multiples conséquences induites.
Avec l'objectif de limiter ces changements climatiques et leurs conséquences, certains pays ont défini des politiques de contrôle des émissions des gaz à effet de serre (GES). Ces politiques sont inspirées du principe « le pollueur est le payeur ».
Ces politiques s'appuient sur les mécanismes clés suivants | Notions voisines dans la finance monétaire |
Système de mesure : tenue d'une comptabilité de droits d'émission de gaz à effet de serre (GES) par les acteurs émetteurs (les industriels) et par zone géographique (pays, Europe, monde), au sein de registres. L'unité de mesure est la « tonne équivalente carbone » de volume de gaz émis (t CO2 eq). | Unité monétaire Comptabilité Banque centrale Banque dépositaire |
Théorie et politique de régulation : définition de volumes de gaz carbone (des quotas) autorisés à l'émission par zone géographique et par industrie, pour une période donnée. On définit ainsi un plafonnement des émissions et des objectifs de réduction dans le temps. Cette politique de contraintes, associée aux mécanismes de marchés, est désignée par « cap and trade ». | Politique monétaire Politique de crédit |
Système de contrôle & d'incitation:
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Masse monétaire Création monétaire régulée Déclarations réglementaires Certification des comptes |
Système de libre marché pour allouer les ressources de l'économie carbone :
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Marché organisé Marché OTC Produits dérivés Liquidité Bulle spéculative… |
L'ensemble des circuits et les mécanismes qui font des GES (gaz à effet de serre), via les droits d'émission (quotas), des biens négociables et échangeables est désigné par la finance carbone.
La conception du modèle de régulation sous-jacent à ce système d'optimisation des échanges et de la gestion des émissions de CO2 date des années 70. La première mise en œuvre d'un marché similaire a eu lieu dès les années 90, aux Etats-Unis, pour réguler les émissions d'un autre gaz, le dioxyde de soufre (SO2) à l'origine des pluies acides.
Aujourd'hui l'économie des émissions carbone et de la finance carbone est en phase d'amorçage ou de développement selon les zones géographiques. L'économie carbone est considérée comme étant l'un des enjeux majeurs des économies du XXIème siècle.
Cadres réglementaires et marchés
Il existe plusieurs cadres réglementaires de la finance carbone, qui sont fondés soit sur des traités internationaux soit sur des contrats de droit privé. Au sein de chaque cadre réglementaire ont été définis des systèmes d'échange des droits d'émission: les marchés organisés de la finance carbone.
Il existe également des transactions hors marché organisé dans les transactions dites de gré à gré (OTC Over The Counter).
Les cadres réglementaires
Protocole de Kyoto
Le protocole de Kyoto met en place un système d'échange de quotas d'émission. Il comportait un objectif de réduction des gaz à effet de serre de 5% en moyenne sur la période 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990.
Les participants (industries et pays) sont les suivants:
- 5 industries de 25 pays de l'UE (listés dans l'annexe 1 du Protocole de Kyoto): production d'énergie, raffineries de pétrole, industrie du fer et d'acier, industrie pâtes et papiers, matériaux de construction (ciment, céramique et verre)
- 5 secteurs industriels de pays hors UE : Japon, Australie, NZ, Russie, Ukraine, Canada, etc. (listés dans l'annexe 1 du Protocole de Kyoto)
- l'Inde, le Brésil, la Chine, etc. (listés dans l'annexe 2 du Protocole de Kyoto)
Textes de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
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Marchés régulés :
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Réglementations régionales (hors Kyoto)
Ces réglementations s'appuient sur des quotas et des objectifs régionaux.
Industries énergétiques de 10 états des USA
Texte de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
RGGI - Regional Greenhouse Gas Initiative | Marché régulé RGGI | Quota RGGI |
10 états des USA et provinces du Canada
Texte de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
WCI - Western Climate Initiative | Marché régulé WCI | Quota WCI |
Industries d'électricité en Nouvelle-Galles du Sud (AUS)
Texte de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
GGAS - Greenhouse Gas Reduction Scheme | Marché régulé GGAS | Quota GGAS |
7 états des USA et Canada
Texte de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
Midwestern Greenhouse Gas Reduction Accord | Marché en cours de création | En cours de création |
Réglementation à l'étude / en attente de ratification
Canada
Texte de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
Loi fédérale canadienne en cours d'étude | Marché MCeX Bourse climatique de Montréal (avec CCX) | Canada CO2e Units Futures |
Marchés volontaires
Il s'agit d'espaces d'échanges organisés hors réglementation Kyoto ou régionale. Les quotas et objectifs sont définis sur une base volontaire.
Textes de référence | Principaux marchés | Exemples de produits |
Chicago Climate Exchange standard |
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NYMEX- Green Exchange standard | Marché volontaire NYMEX- Green Exchange |
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Voluntary Carbon Standard | Marchés volontaires en cours de lancement :
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Crédit VCU, CER |
Echanges hors réglementation cadre
Principaux marchés | Exemples de produits |
Marchés OTC | Produits sur mesure |
Ces systèmes réglementaires continuent d'évoluer (certains en sont du reste encore à l'état de définition initiale) et ces évolutions conditionnent fortement l'apparition et le développement des nouveaux marchés de la finance carbone.
Calendrier de Kyoto
Voici les principales étapes de la mise en place du cadre réglementaire du Protocole de Kyoto, le cadre qui régit les marchés régulés ECX, EEX, Nord Pool, Bluenext.
Systèmes de registre et opérations
Des systèmes de registres (de tenue de compte) permettent de comptabiliser les droits d'émission :
- par zone géographique,
- par pays,
- par acteur industriel (acteur final pollueur).
Ils permettent également d'enregistrer les opérations d'attribution et d'échange de droits : attribution initiale, achat, vente, obtention de nouveaux droits, etc.
Protocole de Kyoto et unités de compte, opérations
Les registres comptabilisent l'attribution de droits d'émission définit dans le cadre réglementaire du Protocole de Kyoto.
Les registres comptabilisent également des opérations d'échange réalisés par chaque acteur (industriel ou pays) dans le cadre de 3 mécanismes dits de flexibilité (appelés aussi mécanismes de Kyoto) :
- Emissions Trading (Système d'échange) : possibilité de vendre et d'acheter à un autre acteur ses quotas et crédits
- Clean Development Mechanism (CDM - MDP) : obtention de crédits d'émission carbone, convertissables en quotas, grâce à un investissement dans un projet certifié « performant en émission CO2 » (selon les critères de projet CDM-MDP, voir ci-après).
- Joint Implementation (JI - MOC) : obtention de crédits d'émission carbone, convertissables en quotas, grâce à un investissement dans un projet certifié « performant en émission CO2 » (selon les critères de projet JI-MOC, voir ci-après).
Les opérations issues de ces mécanismes sont comptabilisées dans les unités de compte suivantes :
Opérations | Type d'unité | Unité de registre (en 1 tonne CO2 eq / an) |
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Quota |
UQA Unité de Quantité Attribuée |
EUA - European Units Allowance | ||
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Crédit (validé selon le standard Kyoto) |
REC - Réductions d'Emissions Certifiées |
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URE - Unité de Réduction d'Emission |
Protocole de Kyoto et projets "propres" (MDP-CDM, MOC-JI )
MDP - Mécanisme de Développement Propre CDM - Clean Development Mechanism |
MOC - Mécanisme de Mise en Œuvre Conjointe JI - Joint Implementation |
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Objet du projet / Critère clé d'éligibilité / Montant des droit d'émission acquis |
Critère d'additionnalité : le projet industriel doit générer moins de CO2 que par un procédé industriel classique, le différentiel constitue la base de calcul des nouveaux droits acquis | |
Origine du financeur | Issu d'un pays industrialisé signataire du Protocole de Kyoto Annexe 1 | Issu d'un pays industrialisé signataire du Protocole de Kyoto Annexe 1 |
Localisation nouveau site industriel | Pays en développement (Annexe 2 du Protocole de Kyoto) | Pays industrialisé signataire du Protocole de Kyoto Annexe 1 |
Projet type | Energie renouvelable en Chine et Inde (hydraulique, etc.) | Amélioration de centrale à gaz (Russie, Ukraine) |
Mécanisme de certification | Processus complexe | Simple |
Nom de l'unité de mesure des droits acquis (1 tonne eq CO2) | REC - Réductions d'Emissions Certifiées CER - Certified Emission Reductions | URE - Unité de Réduction d'Emission ERU - Emission Reduction Units |
Homologation des projets | Protocole de Kyoto, CDM Executive Board |
Protocole de Kyoto et registres
Voici le schéma des registres utilisés pour mettre en œuvre le Protocole de Kyoto :
Marchés d'échange de droits carbone
Les marchés régulés
Les marchés de carbone régulés sont contraints par les plans de réduction d'émissions de carbone issus d'accord internationaux (Protocole de Kyoto) ou régionaux.
Dans le cadre du Protocole de Kyoto, le marché le plus important est le marché ECX- European Climate Exchange (Londres), et représente à lui seule, 87% du marché global. Les autres marchés sont les suivants : Nord Pool (Norvège), Bluenext (France) et l'European Energy Exchange /Eurex (Allemagne).
Ces marchés ont des autorités de régulation (par exemple : FSA, AMF, etc.) et fonctionnent avec les chambres de compensations (par exemple : LCH.Clearnet, Nord Pool, etc.).
Les marchés volontaires
Les marchés volontaires sont des marchés qui présentent moins de contraintes que les marchés régulés :
- Cadre réglementaire : défini directement par l'opérateur du marché (ex: Chicago Climate Exchange) ou en suivant une norme (ex: Voluntary Carbon Standard)
- Objectif de réduction d'émissions : sur base volontaire de l'industriel adhérent au marché
- Participants : en général pas de restriction ni sur le secteur industriel ni sur sa localisation
- Produits échangés :
- les produits carbones existants sur des marchés régulés
- des produits carbones standardisés, propres à ce marché là c'est-à-dire issu d'un projet non éligible selon les critères d'un cadre réglementé.
Les acteurs ont diverses motivations pour intervenir sur ces marchés, principalement :
- des investissements sur des opportunités d'arbitrage créées par la finance carbone,
- des anticipations sur les évolutions réglementaires (aux USA),
- la gestion de leur réputation sur le sujet du développement durable (Responsabilité Sociale des Entreprises, RSE).
Le plus important Marché de Carbone Volontaire est le CCX- Chicago Climate Exchange où on peut échanger des droits issus d'un large éventail de projets : dans l'efficacité énergétique, l'énergie renouvelable, la capture des gaz fugitifs méthane, dans la reforestation, entre autres. C'est principalement dans les pays où la réglementation est inexistante ou incertaine que les marchés de carbone volontaires se développent, principalement outre-Atlantique (le NYMEX- Green Exchange (NY) et le CCFE- Chicago Climate Futures Exchange).
Les marchés volontaires définissent leurs propres unités de transaction. Par exemple les marchés qui suivent la norme VCS (Voluntary Carbon Standard) utilisent les unités de compte et produits suivants :
Opérations | Type d'unité | Unité de registre (en 1tonne CO2 eq / an) |
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Crédit (homologué selon le standard VCS) | VCU - Voluntary Carbon Units |
VER - Voluntary Emissions Reductions or Verified Emissions Reductions |
La cartographie des marchés de la finance carbone
- European Union Emissions Trading Scheme (EU ETS)