Tout d'abord, éclaircissons le terme :
« To hedge » en finance, signifie « couvrir des positions de marché » en utilisant des instruments financiers en risque symétrique.
Pour faciliter ces techniques, les dérivés sur marchés organisés ou OTC ont été étendus à tous les compartiments d'investissements classiques :
- Devises,
- Taux : Obligataire et Monétaire,
- Actions et Indices,
- Matières premières et agricoles.
Les « hedge funds » ont alors dévoyé l'utilisation initiale, en imaginant des stratégies de combinaison de ces produits à effet de levier très fort, afin de tirer des profits immédiats sur les imperfections des marchés (arbitrage) et sur l'amplification des phénomènes spéculatifs.
Les premiers hedge funds sont apparus dans les années 1950, avec pour caractéristiques la performance et la discrétion ; depuis, leurs volumes se sont considérablement développés avec les facilités technologiques, la déréglementation et la mondialisation de la finance ; les critères sont les suivants :
- émission sur des places off-shore peu ou pas réglementées,
- titres non cotées, seulement négociables en gré à gré,
- utilisation illimitée des ventes à découvert,
- stratégies alternatives,
- mise en place des effets de leviers ( dérivés…)
- commissions de surperformance pour les gérants,
La définition de la SEC (Autorité des Marchés US) est révélatrice des risques associés :
« Private and unregistered investment pool that employed sophisticated hedging and arbitrage techniques to trade in the corporate equity markets. Hedge funds have traditionally been limited to sophisticated, wealthy investors ».
Les investisseurs sont de plusieurs types :
- banques d'affaires,
- grandes fortunes,
- capitaux propres des gérants alternatifs,
- et surtout, d'autres fonds dits « fonds de fonds » et nourriciers ; ces derniers ont entre autre été les victimes du système Madoff ( même s'il a été avéré que les hedge funds finaux de Madoff étaient en réalité fictifs).
Les stratégies sont souvent construites autour de fonds diversifiés investis à leur tour dans des fonds spécialisés par type d'anticipations ; les schémas extraits du site cperformance.com illustrent le sujet :
Les deux graphiques illustrent l'explosion des encours gérés jusqu'à la crise des subprimes :
Si l'on intègre le critère des places financières réglementées ( centres « on-shore ») pour les fonds alternatifs, on arrive aux chiffres suivants (graphique extrait du site Hedge Fund Research) :
Du fait de leur peu de transparence et de liquidité et de leur implantation dans les paradis fiscaux, ils ont été accusés d'être à l'origine, puis d'avoir amplifié la crise financière, par des ventes à découvert massives ou des emprunts de titres, et le recours spéculatif aux produits dérivés: options, futures ou contrats de gré à gré.
Mais la chute des valeurs des actifs financiers, combinés aux phénomènes d'illiquidité ont en réalité provoqué la faillite de nombreux hedge funds ( en rouge ci-dessous, graphique extrait du site Hedge Fund Research) :
Ceci nous conduit à lister les risques liés à ces supports :
- risque systémique: c'est-à-dire le risque de déstabilisation généralisée des marchés financiers résultant de la défaillance d'un hedge fund de grande taille ou de la défaillance en chaîne de hedge funds d'importance moyenne ;
- risque d'abus de marché: c'est-à-dire les éventuelles manipulations de cours et les délits d'initiés ;
- risque opérationnel avec une mauvaise valorisation d'actifs illiquides et complexes.
Depuis deux ans, le G20 s'est donc attaché à encadrer ces acteurs hybrides :
- accroître la transparence notamment sur le niveau d'endettement auquel ils ont recours pour financer leur activité,
- disposer d'un agrément pour lever des fonds ou effectuer des transactions,
- adopter des règles de fonds propres, et en conséquence plafonner l'effet de levier,
- respecter des règles strictes d'organisation et de fonctionnement,
- encadrer les rémunérations de leurs opérateurs de marché,
- développer les pouvoirs de contrôle et de sanction avec les autorités nationales.
Concernant l'UE, la règlementation européenne en projet avec l'UCITS V prévoit des réductions plus draconiennes en matière d'endettement, des limites aux rémunérations liées aux actifs à risque et une transparence complète :
- ces mesures seront d'application à l'intérieur de l'Union Européenne pour tous les fonds non-Européens qui lèvent des capitaux au sein de l'Union, ou qui se financent en Europe ;
- le nouveau « passeport européen » des sociétés de gestion imposera les mêmes obligations que celles que l'Europe impose à ses propres fonds, et notamment l'interdiction de ventes a découvert « nues » (sans emprunts préalables des titres ainsi cédés).
La Directive AIFMD (Alternative Investment Funds Managers Directive) prévoit :
- la mise en place d'un cadre sûr et harmonisé à l'échelon de l'UE,
- le contrôle des risques liés aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs,
- un régime spécial d'agrément et de surveillance juridiquement contraignant pour tous les gestionnaires gérant des fonds alternatifs dans l'UE (indépendamment de leur domiciliation),
- un visa préalable sur les qualifications appropriées pour offrir des services de gestion de fonds alternatifs
- des informations détaillées sur l'activité envisagée : identité et caractéristiques des fonds alternatifs gérés, leur gouvernance (y compris les modalités de délégation de services de gestion), les dispositions pour l'évaluation et la garde des actifs et les systèmes de soumission d'informations obligatoires :
- politique d'investissement (exposition, performance, gestion des risques),
- description des types d'actifs et le recours au levier (supervision par l'ESMA),
- politique de remboursement dans des circonstances normales et exceptionnelles,
- procédures d'évaluation, de dépôt, d'administration et de gestion des risques,
- niveau des frais, charges et commissions associés à l'investissement.
Adoptée en avril 2010 par le Conseil Européen, puis ratifiée en novembre 2010 par le Parlement, son entrée en vigueur est prévue en 2013 et déjà sa révision en 2015 !
Notre avis : les hedge funds qui ont survécu aux crises Subprimes et Madoff ont encore de beaux jours devant eux… ce qui les sauve, c'est que, paradoxalement, ils restent des acteurs incontournables de la liquidité des marchés.