Une fois la négociation finalisée, et après l’étape éventuelle de compensation, il s’agit de matérialiser le transfert de propriété qui en résulte. Cette étape, mal connue, met en jeu de nombreux intermédiaires, ce qui implique des délais qui peuvent sembler considérables par rapport à la quasi-instantanéité de la négociation elle-même. Pour bien comprendre ce qui se passe à ce niveau, il importe d’en comprendre les fondements juridiques, tant en ce qui concerne les transferts monétaires que les transferts d’instruments financiers.

Les Banques Centrales

Une monnaie a cours légal généralement dans un seul pays, le pays d’émission. L’Euro constitue un cas un peu exceptionnel dans la mesure où il a cours légal dans l’ensemble des pays de la Communauté Européenne participant à l’union monétaire. Réciproquement, les échanges au sein d’un pays ne peuvent être réglés, sauf exception, que dans la monnaie de ce pays.

Ce sont les Banques Centrales qui sont chargées de l’émission de la monnaie et du contrôle de la quantité de monnaie en circulation. Ceci est vrai pour ce qui concerne la monnaie dite « fiduciaire » : les billets et les pièces, aussi bien que pour la monnaie « scripturale » : monnaie qui existe seulement sous forme d’inscription en compte dans les livres d’une banque.

Afin de mettre en œuvre leur mission de mise en circulation et de contrôle de la quantité de monnaie, les banques centrales s’appuient sur le réseau des banques commerciales implantées dans la zone monétaire qui est sous leur contrôle. In fine, toute quantité de monnaie émise par la banque centrale va se traduire par une inscription au compte d’une banque commerciale dans les livres de la banque centrale. De la même manière, tout transfert de monnaie entre deux agents économiques va se traduire par un transfert entre les comptes respectifs des banques commerciales de chacun de ces agents dans les livres de la banque centrale.

Les systèmes de paiement

Les systèmes de paiement au sens large désignent non seulement les infrastructures techniques, mais aussi les prestataires qui ont la charge de les opérer, ainsi que leurs règles de fonctionnement. Chaque zone monétaire a ses propres systèmes de paiement.

  • Les systèmes de paiement de gros montants sont utilisés par les banques pour s’échanger des fonds entre elles ou pour le compte de leurs gros clients. Il y en a de deux types :
    • Système brut temps réel (en anglais RTGS, Real Time Gross Settlement): chaque paiement est exécuté immédiatement et irrévocablement sur le compte de la banque qui émet l’ordre de paiement, si celle-ci a la provision suffisante. Ce système est le plus sûr au niveau du fonctionnement d’une place (pas de risque systémique). Il a par contre l’inconvénient de générer de plus gros besoins de liquidité: chaque adhérent doit avoir en permanence sur son compte de quoi régler ses paiements. Le système RTGS Euro est TARGET 2.
    • Système net: en cours de journée, l’effet des instructions est simplement de débiter ou créditer le compte de la banque émettrice. À une heure prédéfinie, on arrête les compteurs, et chaque adhérent sera débité ou crédité du montant net des instructions ayant impacté son compte. À ce moment les mouvements deviennent irrévocables. L’inconvénient de ce genre de système est qu’il génère un risque dit « systémique » : si à la clôture un des adhérents se trouve dans l’impossibilité de régler ce qu’il doit, c’est potentiellement toute la place qui par effet de dominos peut se retrouver en difficulté

Pour les échanges interbancaires les RTGS ou les systèmes nets offrant des garanties d’irrévocabilité en temps réel sont de plus en plus préférés aux systèmes nets. C’est ainsi le cas de EURO1, le système de règlement Euro privé opéré par l’EBA, European Banking Association.

  • Les systèmes de paiement de détail (retail payment) traitent les ordres de paiement émis par les particuliers : chèques, cartes bleues, virements, etc. Les paiements de détail dans la zone Euro sont en cours d’harmonisation dans le cadre du projet SEPA.

Les correspondants espèces

Comme on l’a vu précédemment, tout transfert de monnaie entre deux agents économiques va se traduire par un transfert entre les comptes respectifs des banques commerciales de chacun de ces agents dans les livres de la banque centrale. Ceci a une conséquence très importante. Toute banque non-résidente qui désire détenir et échanger de la monnaie d’un pays donné, pour son propre compte ou pour celui de ses clients, va devoir ouvrir un compte chez une consœur du pays en question afin d’avoir accès aux systèmes de règlement locaux.

La banque résidente joue le rôle de correspondant espèces : elle tient le compte espèces de la banque non-résidente, exécute ses ordres de paiement dans la devise locale via les systèmes de paiement locaux et informe son client de l’état de son compte : solde et mouvements. C’est ce qu’on appelle le correspondant banking.

Les dépositaires centraux

Pour chaque émission d’action, d’obligation ou de papier monétaire tels que les titres de créance négociables, un dépositaire central est en chargé de la tenue du compte émetteur. Il doit vérifier en permanence que la somme des quantités détenues par chaque intermédiaire financier est bien égale à la quantité totale émise par l’émetteur. De ce fait, tout transfert de titres doit se dénouer par un transfert entre deux intermédiaires financiers dans les livres du dépositaire central du titre concerné. En France le dépositaire central des titres est Euroclear France.

Les systèmes de règlement-livraison

Chaque dépositaire central opère ou est en relation avec un système de règlement-livraison. Celui-ci reçoit des instructions de livrer ou de recevoir des titres, les apparie et les dénoue, ce qui déclenche des mouvements titres et espèces sur les comptes des participants : par exemple le vendeur des titres va être débité de ses titres et crédité du montant espèces correspondant. Du fait de la nécessité de traiter des flux espèces, les systèmes de règlement-livraison sont soit opérés par des établissements ayant le statut de banque comme Clearstream soit fonctionnent en étroite relation avec des systèmes de paiement, comme ESES, le système d’Euroclear France, qui se déverse dans TARGET 2. Cela implique aussi que les participants directs à un système de règlement-livraison ont généralement le statut de banque ou passent par l’intermédiaire d’une banque participante pour le règlement de leurs flux espèces.

Les dépositaires locaux

Les participants à un système de règlement-livraison y dénouent soit leurs propres transactions, soit plus fréquemment les transactions de leurs clients. En effet, un établissement financier opérant sur les marchés mondiaux va avoir besoin d’un accès à un grand nombre de systèmes de règlement-livraison de par le monde. Il a alors nommé un dépositaire local, à qui il transmet ses instructions de règlement-livraison, à charge à lui de les dénouer pour son compte. Le dépositaire local tient le compte titres de son client et y enregistre toutes ses opérations d’achat et de vente.

Les dépositaires globaux

Correspondants et dépositaires constituent le moyen d’accéder directement à un marché local donné. L’inconvénient est toutefois que pour chaque nouvelle devise, chaque nouveau marché titres, il faut trouver un nouveau prestataire. Les investisseurs institutionnels, gérants de fonds ou grandes entreprises intervenant sur les marchés financiers ne font pas cette démarche. Au contraire ils vont nommer un intermédiaire unique, chez qui ils vont déposer leurs avoirs titres et cash, le global custodian (dépositaire global). Au global custodian revient dès lors la charge de se mettre en relation avec les marchés locaux, via son propre réseau de correspondants et dépositaires (« subcustodians » ou dépositaires locaux) afin d’exécuter les transactions de son client.

De plus la détention de titres confère des droits (à percevoir des intérêts ou des dividendes, à être informé des souscriptions, assemblées générales, …) C’est pourquoi la détention d’un stock de titres doit être enregistrée chez un dépositaire ou conservateur dont le rôle est de tenir à jour le portefeuille de titres de ses clients et de traiter pour lui les OST (Opérations Sur Titres) qui interviennent sur ses positions.

Le global custody ou conservation globale est un service offert par certaines banques à d’autres investisseurs du marché. Il consiste à gérer pour le compte de ces investisseurs toute la chaîne post-marché liée à leurs portefeuilles de titres:

  • Le règlement-livraison: matérialisation du transfert de propriété lié à l’achat-vente des titres
  • La conservation: prise en compte de l’impact sur le portefeuille des événements intervenant sur la vie des titres (OST, remboursements)
  • Relevés des soldes et mouvements titres et espèces

Le principe de base du global custody est que le client (l’investisseur), délègue au global custodian tout ce qui n’a pas trait directement à la décision d’investissement. Le global custodian ne se substitue donc pas à son client pour la négociation des opérations: il ne fait pas de gestion de portefeuille. Par contre il prend en charge toutes les opérations qui interviennent après la négociation.

Pour ce faire, le global custodian est en relation avec un réseau de sous-dépositaires locaux, qui lui donnent l’accès aux marchés où négocient ses clients, et au dépositaire central du pays où il réside (Euroclear France en France). Le client lui n’est en relation qu’avec son custodian pour la partie post-marché, ce qui ne l'empêche pas d’être en relation avec des courtiers ou des contreparties directes pour la négociation.

À retenir

Une monnaie ne quitte pas sa zone monétaire d’origine : tout transfert monétaire a sa contrepartie dans les livres de la banque centrale d’émission sous forme d’un transfert entre deux banques commerciales. De même, un titre ne quitte pas son dépositaire central : tout transfert de propriété sur ce titre se matérialise par un transfert entre deux intermédiaires financiers chez le dépositaire central.

Pour accéder aux marchés mondiaux, chaque banque va donc créer des relations commerciales avec un réseau de dépositaires locaux pour les titres, et de correspondants pour les espèces. Les acteurs non bancaires quant à eux (compagnies d’assurances, gestionnaires d’actifs) vont plutôt confier l’ensemble de leurs avoirs à un intermédiaire unique, le conservateur global ou global custodian qui lui-même s’appuie sur son réseau de dépositaires et de correspondants pour mener à bonne fin les transactions de son client.