Le ratio de solvabilité

Cette page est soutenue par Talan Finance, conseil, maîtrise d'ouvrage et ingénierie logicielle au coeur des marchés financiers.

Introduction

Les accords de Bâle ont pour objectif de recommander aux banques de structurer leur bilan d'une certaine façon. Le ratio à respecter, appelé ratio McDonough (anciennement ratio Cooke), que nous allons décrire plus bas, ne fait pas directement force de loi mais est transcrit par les autorités de régulation dans les réglementations locales. En Europe c'est la communauté européenne qui se charge de faire appliquer les recommandations du comité de Bâle, via la CAD (Capital Adequacy Directive).

Le nouveau ratio des accords de Bâle, baptisé ratio Mc Donough ne change pas l'esprit de l'accord initial mais l'enrichit. Pour désigner ce ratio on parle indifféremment de ratio de solvabilité ou d'adéquation des fonds propres. Le processus de négociation, dénommé Bâle II (Bâle 2), à duré plusieurs années et a fait couler beaucoup d'encre dans la presse spécialisée.

Qu'est-ce que le bilan d'une entreprise ?

Le bilan d'une entreprise se décompose schématiquement de la façon suivante :

  • Au passif figurent les sources de financement :
    • Capitaux
    • Dettes à plus ou moins long terme ·
  • A l'actif figure tout ce que l'entreprise a réalisé grâce aux financements apportés, tout ce qu'elle possède :
    • Les immobilisations corporelles (immeubles) et incorporelles (participations dans d'autres sociétés)
    • Les stocks
    • Les créances

Le bilan est présenté de telle sorte que Total Actif = Total Passif.

Les capitaux propres sont l'ensemble des ressources " courant le risque " de l'entreprise, c'est-à-dire celles qui ne seront en principe remboursées qu'avec la liquidation de l'entreprise (fonds propres), ou celles qui ne doivent être remboursées qu'à très longue échéance (quasi-fonds propres).

L'actif net est quant à lui égal à l'ensemble des avoirs de l'entreprise diminué de l'ensemble de ses engagements réels ou potentiels :

Actif net = Actif immobilisé + Actif circulant et financier - ensemble des dettes

La solvabilité d'une entreprise, quelle qu'elle soit, est sa capacité à rembourser l'intégralité de ses engagements en cas de liquidation totale. Elle dépend donc de la qualité de ses actifs, et plus particulièrement de la facilité avec laquelle ceux-ci peuvent être liquidés, et du montant de ses engagements (dettes)

Comme Actif = Passif

Capitaux propres + Dettes = Actif immobilisé + Actif circulant et financier

Capitaux propres = Actif net

Conclusion, la solvabilité, qui intuitivement correspond au rapport Dettes / Actif net, peut également se mesurer par le rapport Dettes / Capitaux propres.

Application au cas d'une banque

Pour une banque, les dettes sont essentiellement constituées des dépôts à vue. Les actifs financiers sont constitués des crédits octroyés. C'est en effet la finalité d'une banque de distribuer du crédit !

La solvabilité d'une banque est donc sa capacité à faire face aux demandes de retrait de ses déposants. Et cela fait partie de la responsabilité des autorités de tutelle de s'assurer que les banques sont bien aptes à faire face à leurs obligations. Il y va en effet de la stabilité de l'économie tout entière d'un pays.

Dans l'égalité vue plus haut, on voit que pour pouvoir distribuer davantage de crédit, la banque doit soit collecter davantage de dépôts, au risque de ne pas pouvoir rembourser ceux-ci, soit renforcer ses capitaux propres.

Or une entreprise se trouve davantage en sécurité si une partie de son actif circulant n'est pas financée par des ressources qui viendront à échéance dans l'année. L'actif présente toujours un caractère aléatoire et donc risqué (en particulier quand il est constitué essentiellement de créances comme pour les banques!), alors que les dettes, elles, sont inéluctables ! c'est pourquoi il faut qu'une partie de l'actif soit financé non pas par des dettes mais par du capital.

D'autre part si on impose à une banque d'augmenter ses fonds propres elle a plus à perdre en cas de faillite et aura donc tendance à adopter des activités moins risquées.

Le niveau de fonds propres est garant de la solidité financière de l'entreprise. Les fonds propres sont donc garants de la solvabilité de la banque face aux pertes que les risques pris à l'actif sont susceptibles d'engendrer.

Pour toutes ces raisons, le ratio de solvabilité, dans le cas des banques, s'exprimait initialement par le rapport du montant des fonds propres au montant des crédits distribués, ceux-ci étant pondérés par leur caractère plus ou moins risqué. Dans sa nouvelle version, le ratio prend en compte d'autres catégories de risque que le risque de crédit, à savoir le risque de marché et le risque opérationnel et s'exprime de la façon suivante :

>= 8%
Fonds propres réglementaires

Risque de crédit
+
Risque de marché
+
Risque opérationnel

Dans les paragraphes ci-dessous nous allons passer en revue les différents éléments constitutifs du ratio. Le résumé qui suit donnera un aperçu du degré de finesse et de complexité des dispositions de l'accord de Bâle et des directives d'adéquation des fonds propres.

Définition des fonds propres réglementaires

Le dispositif intègre dans les fonds propres les éléments du bilan suivants. Ne sont cités que les éléments les plus significatifs, pour une liste exhaustive se reporter aux documents cités en annexe.

Fonds propres de base
Eléments à ajouter
  • Capital social ou assimilé (actions, certificats d'investissement, actions à dividende prioritaire).
  • Résultat non distribué de l'exercice et réserves consolidées.
Eléments à déduire
  • Actions propres détenues.
  • Partie non libérée du capital.
Fonds propres complémentaires

Ceux-ci ne sont pris en compte que dans la limite de 100% des fonds propres de base. Au-delà, ils doivent être inclus dans les fonds propres surcomplémentaires.

De premier niveau

Titres hybrides présentant certaines conditions, durée indéterminée entre autres.

De deuxième niveau
  • Autres éléments de dette dont la durée initiale est supérieure à 5 ans.
  • Au cours des 5 dernières années de vie, une décote de 20% par année écoulée est appliquée au capital emprunté.
Fonds propres surcomplémentaires
  • Instruments de dette subordonnée (une dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers) à terme d'une durée initiale de plus de deux ans qui ne comporte aucune condition préférentielle de remboursement.
  • Fonds propres complémentaires de premier niveau plafonnés.
  • Fonds propres complémentaires de deuxième niveau plafonnés à l'exclusion des éléments décotés.

Dans la directive européenne, les fonds propres de base doivent représenter au minimum 50% du total des fonds propres requis pour couvrir le risque de crédit de l'établissement, le reste ne pouvant être assuré que par des fonds propres complémentaires, et au minimum 2/7 des fonds propres requis pour couvrir les risques de marché, le reste pouvant être assuré par des fonds propres complémentaires et surcomplémentaires.

Mesure du risque de crédit

Le risque de crédit est le risque qu'un débiteur fasse défaut ou que sa situation économique se dégrade au point de dévaluer la créance que l'établissement détient sur lui. Pour mesurer le risque de crédit, on va donc pondérer le montant total de la créance, ce qu'on appelle "l'encours", par la qualité du débiteur.

Le comité de Bâle définit donc plusieurs catégories d'expositions au risque de crédit, avec pour chaque catégorie une pondération à appliquer à l'encours prêté. Cette pondération va de 0% pour les Etats souverains, ce qui revient à dire qu'on considère que les créances sur les Etats souverains sont sans risque, à 150% pour les contreparties les moins bien notées.

En effet dans l'approche standard (cf. plus bas) les pondérations à appliquer dépendent des notes attribuées à la contrepartie par les agences de notation (Moody's, Standard & Poors…).

Catégorie de contrepartie Notation
  AAA à AA- A+ à A- BBB+ à BBB- BB+ à B- moins de B- Non noté
Etats, organismes supra-nationaux 0% 20% 50% 100% 150% 100%
Banques 20% 50% 100% 100% 150% 100%
Sociétés 20% 50% 100% 100% 150% 100%
Détail: Immobilier           40%
Détail: Autres           75%

Mesure du risque de marché

Le risque de marché est le risque de perte ou de dévaluation sur les positions prises suite à des variations des prix (cours, taux) sur le marché. Ce risque s'applique aux instruments suivants : produits de taux (obligations, dérivés de taux), actions, change, matières premières.

Le risque sur produits de taux et actions se mesure sur la base du "portefeuille de trading", c'est-à-dire des positions détenues par la banque pour son propre compte dans un objectif de gain à court terme, par opposition aux activités "normales" de financement et d'investissement.

Par contre le capital requis pour la couverture des positions en change et matières premières s'applique sur la totalité de ces positions.

Chaque catégorie d'instrument nécessite une méthode de calcul différente, qui consiste toujours à évaluer d'abord une position, puis à calculer le capital requis en appliquant une pondération de 0 à 8% sur cette position.

Risque de taux

Instruments de dette

  • Risque spécifique: calcul individuel pour chaque ligne (courte ou longue) sans compensation même en cas d'émetteur identique.
    • Titres d'Etat: 0%
    • Secteur public: 0,25% à 1,60% suivant la durée résiduelle
    • Autres: 8%
  • Risque de marché général: calcul global sur l'ensemble du portefeuille. Deux méthodes sont possibles:
    • Par maturité: des pondérations standard sont définies pour les différentes maturités des positions.
    • Par duration: l'établissement calcule individuellement les sensibilités de chacune de ses positions.

Dérivés de taux

  • Calcul de la valeur de marché (mark to market) du sous-jacent et application de pondérations standard liées à la maturité des positions.
Risque sur actions et dérivés actions
  • Risque spécifique: 8% des positions individuelles.
  • Risque global: 8% de la position nette.
Risque de change
La position nette dans chaque devise est convertie dans la devise de référence. L'exigence en capital est de 8% du total des positions.
Risque sur matières premières
15% de la position nette dans chaque produit.
Traitement des options

Les banques qui se contentent d'acheter des options peuvent se cantonner à l'approche simplifiée.

Par contre, les banques qui émettent (vendent) des options doivent utiliser une méthode plus sophistiquée.

Mesure du risque opérationnel

Le risque opérationnel est le risque de perte liée à des processus opérationnels, des personnes ou des systèmes inadéquats ou défaillants ou à des événements externes.

Dans l'approche standard, l'activité des banques est répartie entre plusieurs domaines ou "lignes métiers" (business line) A chaque lignes métier les autorités de régulation attribueront un facteur de pondération sur le revenu brut "moyen" censé refléter le risque opérationnel objectif encouru par chaque activité.

Ligne métier Pondération
Financement d'entreprise β1 = 18%
Activités de marché β2 = 18%
Banque de détail β3 = 12%
Banque commerciale β4 = 15%
Paiements et réglements β1 = 18%
Fonctions d'agent β6 = 15%
Gestion d'actifs β7 = 15%
Courtage de détail β8 = 12%

Calcul du ratio final

Pour préserver la cohérence du calcul, les montants de fonds propres requis au titre du risque de marché et du risque opérationnel doivent être multipliés par 12.5 (l'inverse de 8% !) avant des les incorporer au calcul final.

Risque de crédit = Actifs pondérés en fonction de leur risque

Risque de marché = Capital requis pour la couverture du risque de marché x 12.5

Risque opérationnel = Capital requis pour la couverture du risque opérationnel x 12.5

Ratio (rappel) :

>= 8%
Fonds propres réglementaires

Risque de crédit
+
Risque de marché
+
Risque opérationnel

Approches multiples du calcul des risques

Pour chaque catégorie de risque (risque de crédit, risque de marché, risque opérationnel), les banques ont le choix de s'en tenir à l'approche standard ou d'utiliser des méthodes plus élaborées basées sur leurs propres données et procédures.

Pour le risque de crédit, il existe 3 approches possibles : l'approche standard, l'approche IRB (Internal Ratings Based) fondation ou l'approche IRB avancée. Dans l'approche standard, la fiabilité des contreparties est mesurée par les notes allouées par les agences de notation. Dans les approches IRB, c'est le propre système interne de notation de la banque qui peut être utilisé. Les banques sont encouragées à avoir leur propre système interne de notation car l'exigence en fonds propres est diminuée en cas d'utilisation de celui-ci.

Pour le risque de marché l'utilisation d'une méthode interne est également possible

Pour le risque opérationnel, 3 méthodes sont utilisables : l'approche " indicateur de base ", fondée unique sur le Produit Net Bancaire de l'établissement, l'approche standard décrite plus haut et l'approche mesures avancées basée sur les données historiques de l'établissement.

Pour chaque catégorie de risque l'utilisation d'une méthode avancée est encouragée mais soumise à l'autorisation des autorités de régulation. Et surtout il n'est pas possible pour un établissement qui a choisi une méthode avancée de revenir en arrière à la méthode standard…

Les 3 piliers de l'accord de Bâle II

Au-delà de l'approche "mécanique" du calcul des fonds propres, le comité de Bâle a souhaité définir plus précisément les conditions de fonctionnement adéquates du marché bancaire. C'est pourquoi l'accord de Bâle II repose en fait sur 3 "piliers" :

Les 3 piliers des accords de Bâle

Le processus de surveillance prudentielle renforce le pouvoir des autorités de régulation et leur donne latitude entre autres de majorer les exigences capital réglementaires en cas de nécessité.

La discipline de marché décrit l'ensemble des documents que les banques doivent rendre publics afin de se conformer à la réglementation. Ces documents concernent principalement le calcul des fonds propres et l'exposition aux risques de l'établissement. L'utilisation de méthodes avancées sera conditionnée par la publication de ces informations.

Ailleurs sur le Web

Cette présentation ne donne qu'un bref aperçu et a surtout pour but de donner une idée de l'esprit des accords de Bâle. Pour la lettre, pas d'autre choix que de se reporter directement aux textes fondateurs disponibles sur le site de la Banque des règlements internationaux (BIS).
Bank of International Settlements

Pour une vision plus pratique et concrète (les accord de Bâle n'ayant pas force de loi), on se reportera au site de l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Gestion) qui présente les modalités de mise en oeuvre spécifiques à la France.