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Contreparties, dépositaires, brokers, clients… La salle des marchés interagit avec de nombreux tiers, c’est-à-dire des entités légales différentes, liées à la banque par des obligations réciproques.

Description d’un tiers

De nombreuses informations doivent être conservées, tenues à jour et diffusées à tous les services en relation avec les tiers. Parmi celles-ci on citera les plus importantes, avec les utilisations qui en sont faites.

Identifiant

En règle générale, chaque établissement utilise ses propres identifiants internes, mais il existe aussi des identifiants assez communément répandus sur les marchés, qui peuvent être réutilisés en interne :

  • BIC SWIFT : c’est un code sur 8 positions, les 4 premières indiquent une entité, les 2 suivantes un pays, enfin les 2 dernières une ville. Par exemple BNPAFRPP désigne BNP Paribas Paris.
  • Code Bloomberg
  • Code RIC (Reuters)

Un projet international, le LEI (Legal Entity Identifier) a été lancé afin de définir des identifiants uniques, valables au niveau international, pour tous les tiers.

Dénomination

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la dénomination du tiers peut poser problème. Quelle langue utiliser ? L’anglais tend à devenir majoritaire, mais il faut faire avec le poids des habitudes. En l’absence d’un identifiant unique transverse, le nom peut devenir le seul critère de rapprochement entre des référentiels différents. Dans ce cas, une certaine standardisation (abréviations normées, pas de caractères accentués) s’impose.

Pays

Le pays de résidence de la contrepartie est une information importante en terme de risque, le niveau de risque pays pouvant se répercuter sur le risque de chaque entité résidente et aussi en termes juridiques et réglementaires (voir l’exemple de FATCA, qui impose aux banques du monde entier une gestion spécifique des clients américains).

Adresses

En dehors de l’adresse postale, de nombreuses « adresses techniques » vont être nécessaires. Ces adresses dépendent en plus du département, du service ou de la personne que l’on souhaite toucher au sein de l’entité légale référencée.

  • Noms des contacts avec leurs attributions
  • Adresses postales, n° de téléphone et de fax
  • Adresse SWIFT : il s’agit du BIC complété d’un suffixe sur 3 positions, qui permet à l’entité réceptrice du message de router automatiquement celui-ci en interne vers le bon destinataire

Informations nécessaires pour la gestion du risque de crédit

Les notations des agences de rating, ainsi que les notations internes attribuées par l’établissement lui-même au tiers, doivent être tenues à jour. En vue de déterminer une notation interne, on peut aussi stocker des informations détaillées sur le bilan et le compte de résultat du tiers.

Rôles

La banque peut être en relation avec un même tiers pour différentes raisons. En fonction de ces rôles différents, des informations spécifiques vont devoir être stockées.

Filiale : le tiers est une filiale de la banque. La gestion du risque de contrepartie se pose dans ce cas dans des termes spécifiques.

Emetteur : le tiers est émetteur d’instruments financiers que la banque détient en portefeuille. Dans ce cas les notations de crédit seront particulièrement importantes afin de suivre le risque.

Contrepartie : le tiers est contrepartie de la banque dans le cadre de négociations de marché. C’est probablement la relation la plus importante.

  • Cette relation implique généralement la signature de contrats cadres (legal agreement), avec, s’il y a lieu, une annexe dédiée à la gestion du collatéral (Credit Support Annex). Les informations liées au type de contrat signé, à la date de signature du contrat, etc. doivent être conservées sous forme électronique.
  • Les notations doivent être enregistrées comme dans le cas d’un émetteur puisque toute contrepartie expose également la banque au risque de crédit.
  • Une autre catégorie d’informations très importantes sont les instructions paiement et de règlement-livraison ou SSI (Standard ou mieux Standing Settlement Instructions). Ces instructions, communiquées par la contrepartie à tous ses partenaires, vont permettre de gérer le règlement-livraison des transactions négociées avec la contrepartie

Dépositaire : le tiers est teneur de comptes conservateur des titres détenus par la banque. Un établissement bancaire a généralement un réseau de dépositaires en fonction du pays d’émission des titres, tandis que les investisseurs institutionnels s’appuient en général sur un conservateur global (global custodian) unique.

Correspondant : le tiers est teneur de compte espèces pour les comptes en devises détenus par la banque.

Broker : le tiers joue un rôle d’intermédiaire dans le cadre de certaines négociations.

Client : le tiers est titulaire d’un ou plusieurs comptes dans l’établissement, ou a souscrit à des prestations spécifiques pour lesquelles il rémunère l’établissement. C’est bien évidemment aussi une relation importante pour laquelle on va gérer des informations spécifiques

  • Numéros de compte
  • Conditions tarifaires en fonction des services rendus
  • Préférences en fonction des services rendus

Relations entre les tiers

Une des problématiques les plus complexes à gérer dans un référentiel tiers est celui des relations capitalistiques entre les tiers. En effet on se trouve fréquemment en face non pas d’entités juridiques isolées, mais de groupes ou holding plus ou moins tentaculaires, avec éventuellement des participations croisées, des degrés divers de détention, des hiérarchies à plusieurs niveaux… Il est très important de maîtriser et de tenir à jour ces liens capitalistiques car il vont avoir une influence déterminante sur la gestion du risque de crédit. Cette influence peut être illustrée par au moins deux exemples :

  • Dans le cas où la banque doit recevoir du collatéral de la part de sa contrepartie, il est important de pouvoir vérifier que les actifs remis en garantie ne sont pas émis par une entité appartenant au même groupe que la contrepartie qui remet le collatéral. En effet si c’était le cas, et que la contrepartie venait à faire défaut, les titres détenus pourraient ne plus avoir aucune valeur non plus.
  • Au niveau de la salle de marchés le risque de crédit est encadré par un système de limites. La limite définit l’exposition maximale que la banque est prête à accepter vis-à-vis d’un tiers. Ce système de limites doit bien évidemment être défini en relation avec la structure capitalistique des tiers, l’exposition à une filiale contribuant à l’exposition globale vis-à-vis de la maison-mère.

Evolutions

En sus d’être relativement complexe, l’univers des tiers est en constante évolution. Certaines modifications sont relativement faciles à prendre en compte, d’autres s’avèrent plus délicates à gérer. Dans tous les cas, il ne suffit pas de mettre à jour le référentiel : les transactions ouvertes mettant en jeu le tiers doivent être affectées. Par contre, les transactions clôturées, conservées pour la piste d’audit, ne devraient en toute logique pas être modifiées, ce qui au sein d’un système d’information unique peut poser quelques problèmes techniques stimulants…

Les changements dans les adresses et les circuits de règlement-livraison (SSI) sont diffusés par le tiers lui-même. Mais encore faut-il qu’ils soient correctement  pris en compte dans le système d’information. Cela pose le problème des transactions étalées dans le temps qui, initiées avec les anciennes coordonnées, doivent être clôturées avec les nouvelles.

Les modifications dans les notations sont diffusées par les agences, et relayées par les diffuseurs d’informations financières tels que Bloomberg.

Les problèmes les plus complexes sont certainement ceux qui concernent les changements de structure capitalistique : fusions-acquisitions, cessions d’activités, cessation d’activité. Deux tiers n’en font plus qu’un, ou bien au contraire un même tiers se sépare en deux, ou encore un tiers vient à purement et simplement disparaître (cas de Lehman Brothers). C’est tout l’univers des transactions ouvertes avec le tiers ou les tiers impactés et des instruments financiers émis par les tiers en question qui doit être revu, ainsi que les limites de crédit.

Gestion du référentiel tiers

Importance de la qualité des données

La qualité des données du référentiel tiers joue un rôle crucial dans l’efficacité du système d’information et de l’organisation dans son ensemble, en particulier en ce qui concerne la gestion des risques. La présence de doublons, d’erreurs dans les relations entre les tiers, de données obsolètes, est une source d’erreurs dans la gestion des transactions, des positions et des risques associés.

Rôle des utilisateurs finaux

Au vu des nombreux problèmes techniques que pose la gestion du référentiel tiers, la tentation est grande de confier cette responsabilité à des « experts », mieux à même d’anticiper et de maîtriser les impacts des changements de données sur le système d’information dans son ensemble. C’est ainsi que des équipes de maîtrise d’ouvrage se voient confier des tâches de gestion des données du système d’information.

Toutefois, si les « business analysts » maîtrisent en général mieux les problématiques techniques, il ne sont pas les mieux à même d’appréhender la signification et la portée des modifications qu’ils peuvent être amenés à faire. Par ailleurs ce type d’organisation pose un problème de gouvernance, si les équipes en charge de gérer le référentiel ne sont pas directement sous la responsabilité des services utilisateurs des données. C’est pourquoi il est préférable que toutes les données du SI, y compris les données de référence, soient sous la responsabilité des utilisateurs finaux qui en sont bel et bien les « propriétaires ».

Dans le même temps, on voit bien qu’une erreur dans les données de référence peut avoir des impacts importants, s’il y a beaucoup de transactions en cours avec le tiers impacté, sans compter les tentatives de fraude ou de manipulation. Le risque opérationnel est donc élevé. C’est pourquoi des garde-fous doivent être mis en place :

  • Les équipes en charge de gérer le référentiel doivent être spécialement formées et spécialisées dans cette tâche.
  • Afin d’éviter les fraudes, les accès en modification au référentiel doivent être strictement encadrés et vérifiés périodiquement.
  • Les modifications importantes peuvent être testées sur des environnements dédiés avant d’être répercutées sur l’environnement de production.
  • Des systèmes de double validation peuvent également être mis en place, chaque modification devant être validée par un deuxième utilisateur avant d’être rendue effective.

Centralisation

Le système d’information de la salle des marchés n’est pas unifié mais est constitué de différentes composantes applicatives, solutions du marché ou développements spécifiques, choisis en fonction des besoins (Front / back / middle, classes d’actifs, …) et assemblés plus ou moins efficacement. Chaque composant arrive souvent avec son propre référentiel, qui a sa propre logique et son système de codification autonome. Pas facile, dans ces conditions, de garantir qu’un même tiers sera bien traité de la même manière (avec les mêmes adresses, les mêmes notations, les mêmes limites, etc.) dans tous les composants du SI !

Dans le même thème, toutes les composantes du système d’information n’ont pas nécessairement besoin de toutes les informations disponibles sur un tiers, ni d’ailleurs de tous les tiers disponibles. Le système back-office va exiger l’exhaustivité des adresses et des instructions de règlement pour les tiers avec lesquels la salle est en relation d’affaires. La gestion des risques quant à elle, va attacher une grande importance aux notations et aux relations capitalistiques entre les tiers, que ceux-ci soient des contreparties ou des émetteurs d’instruments financiers.

La solution la plus efficace consiste à définir un référentiel central, gérant l’ensemble des tiers avec lesquels la banque est en relation. Toutes les applications composantes du SI viennent puiser les informations nécessaires à leur propre gestion dans ce référentiel « maître », ce qui suppose que les modifications (créations, modifications, suppressions de tiers) soient diffusées en temps réel.

Fournisseurs d’information

Le référentiel compte généralement plusieurs milliers de tiers. Ceux-ci ne sont pas tous gérés manuellement. En effet des flux d’informations sont disponibles sur le marché pour récupérer des informations essentielles.

  • Des agences spécialisées, telles que Bloomberg, diffusent des données descriptives sur les tiers.
  • Les agences de notation diffusent les ratings et les évolutions de ceux-ci
  • Des agences telles que Bankers’ Almanac diffusent aussi des données chiffrées sur les tiers

Bien évidemment, l’accès à ces informations représente un coût non négligeable. De plus, il ne suffit pas de s’appuyer sur les informations fournies par les agences, encore faut-il les valider et les intégrer correctement dans le SI.

Conclusion

Loin d’être une tâche purement ancillaire et annexe à la gestion du système d’information, la gestion du référentiel tiers est au contraire au cœur des préoccupations des banques et des établissements financiers. Ils y sont d’ailleurs fortement incités par les autorités de surveillance. En particulier la mesure du risque de crédit dans le cadre du calcul du ratio de solvabilité ne peut être fiable qu’à condition que les entités auxquelles la banque est exposée soient correctement décrites dans le système d’information. Ceci est d’autant plus vrai si la banque souhaite appliquer son propre système de notation (IRB) aux entités externes dans le cadre du calcul du risque de crédit.