La réglementation financière connaît une inflation depuis les années 2000. Elle est multiple, complexe et en constante évolution. On vous aide à y voir plus clair dans les grandes législations applicables au secteur financier. Bien entendu, nous ne serons pas exhaustifs – ce qui est de toute façon impossible en considération du nombre de textes adoptés chaque année par les instances françaises, européennes ou mondiales.

Les acteurs de la réglementation financière 

La globalisation des marchés contraint les autorités nationales à se concerter afin d’uniformiser, dans la mesure du possible, les règles de fonctionnement des marchés, des banques et institutions financières. Faute de cette harmonisation, les établissements tendent à se livrer à « l’arbitrage réglementaire » qui consiste à délocaliser certaines activités dans des pays plus complaisants. De plus, des inégalités de traitement entre les pays introduisent des distorsions de concurrence préjudiciables.

C’est pourquoi la réglementation est de plus en plus négociée à un niveau international, puis transposée en droit national par chaque Etat. Le G20 joue un rôle initiateur crucial, tout comme l’Union Européenne et bien sûr les parlements nationaux. En outre, les autorités de tutelle – qui ont pour mission principale la surveillance des acteurs financiers – ont également un rôle dans l’élaboration de la réglementation, notamment lorsqu’elles publient des Guides Lines.

Les sources de la réglementation financière 

L’inflation réglementaire s’explique par différents facteurs : 

  • l’évolution des techniques de financement
  • les crises financières
  • l’innovation

De ces causes découlent une diversité de textes nationaux et supra-nationaux. Dans cet article, on vous en dit plus sur les sources.

Voyons maintenant les grandes thématiques de la réglementation financière : 

La limitation des risques dans les banques et compagnies d’assurances

Les banques et compagnies d’assurances se sont vues appliquer plusieurs textes au titre de la prévention des risques systémiques. 

Les exigences de fonds propres

Après la faillite de la banque Herstatt en Allemagne en 1974, le comité de Bâle a été créé afin de prévenir une crise systémique sur le marché des changes et assurer la solidité du marché financier. C’est ainsi qu’en 1988, un premier accord (Bâle 1) a vu le jour et a imposé des fonds propres minimaux (prudentiels et non pas comptables). Le fameux ratio de solvabilité Cooke était né, afin de prévenir le risque de contrepartie lié au crédit. 

Au fur et à mesure du temps et des nouvelles crises financières, les standards de solidité financière ont été renforcés : 

  • un amendement pour les risques de marché en 1996,
  • avec les accords de Bâle 2 en 2004, qui remplacent le ratio Cooke par le ratio MacDonough, afin de prévenir également les risques opérationnels et de marché,
  • puis l’adoption de Bâle 3 en 2010 après la faillite de la banque Lehman Brothers (dont la finalisation a eu lieu en 2017 …),
  • enfin, la nouvelle réglementation FRTB ou Bâle 4, publiée en 2016 et mise à jour en 2019.

Ces exigences minimales de capitaux propres ont été transposées par l’Union européenne via les “paquets législatifs” (directives + réglements) : Directives CRD pour les banques (la CRD 6 est actuellement en projet) et Solvency pour les compagnies d’assurance (avec Solvency 1 en 2002 et Solvency 2 en 2009).

Les obligations de reporting

Les institutions financières françaises ont des obligations de reporting vis-à-vis des autorités européennes afin que celle-ci ait une vision consolidée des risques de crédit dans l’UE. Ces obligations de reporting sont dénommées “finrep”, “corep” et désormais “anacrédit”.

La lutte contre la fraude et l’évasion fiscale 

La lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est mise en oeuvre en Europe par un échange d’informations entre les administrations fiscales. Une première directive a été adoptée en 201, dite “DAC 1” (Directive on administrative cooperation) puis l’échange automatique d’informations fiscales a été mis en place. Nous en sommes aujourd’hui à la 7ème DAC, adoptée en 2021.

Parallèlement, les Etats-Unis ont imposé à de nombreux pays une obligation d’échange d’informations via la réglementation FATCA.

En tant qu’acteurs du secteur financier, les banques et les compagnies d’assurance sont tenues d’appliquer ces législations et de communiquer les données des clients aux organismes fiscaux. Selon les législations concernées, différents acteurs financiers sont concernés.

La réglementation applicable aux marchés d’instruments financiers

En 2004, l’Union Européenne a créé un cadre juridique unique qui réglemente les investissements et les activités de négociation sur les marchés financiers avec la Directive “MIF 1” (Market in Financial Instruments Directive). Ce cadre a évolué avec la refonte de la Directive et un réglement en 2014 (MIF2 / MIFIR). Actuellement, un nouveau projet de réforme de la Directive est en cours de discussion (MIF3).

De manière générale, les objectifs poursuivis par de cette réglementation sont : 

  • l’ouverture de la concurrence intra-européenne,
  • la solidité et la transparence des marchés financiers dans l’UE,
  • le renforcement de la protection des investisseurs

Le périmètre de ces directives est extrêmement large : il touche tous les maillons de la chaîne de valeur des instruments financiers. Donc, de nombreux producteurs et distributeurs de produits financiers doivent l’appliquer (entreprises d’investissement, sociétés de gestion, établissements de crédit, infrastructures de marché, compagnies d’assurance, conseillers en investissements financiers, prestataires de services de communication de données, etc…).

La réglementation applicable à la gestion d’actifs

La réduction du risque sur le marché des dérivés de gré à gré

Le règlement EMIR (European Market Infrastructure Regulation) a été émis en 2012 et a eu pour but de réduire le risque systémique lié à l’utilisation massive des marchés dérivés OTC. Il s’applique aux acteurs intervenant sur les marchés de produits dérivés (contreparties financières ou non-financières effectuant une transaction sur ces marchés, chambres de compensation ou référentiels centraux). Retrouvez ici le périmètre et les enjeux d’EMIR.

Il a été complété par deux règlements en 2019 : 

  • EMIR 2.2 (règlement (UE) 2019/2099), entré en vigueur le 1er janvier 2020
  • EMIR REFIT (règlement (UE) 2019/834), entré en vigueur le 17 juin 2019

La réglementation applicable aux véhicules d’investissement 

Pour simplifier, l’Union Européenne distingue entre les organismes de placements collectifs (OPC), les fonds d’investissement alternatifs (FIA) et les fonds européens d’investissement à long terme (FEILT). Les premiers sont destinés à être commercialisés auprès d’investisseurs peu avertis. Ils sont donc ultra-réglementés et moins risqués que les autres. En effet, les FIA et les FEILT sont destinés aux investisseurs avertis et professionnels car les risques encourus sont plus importants. Ce sont par exemple les fonds professionnels de capital-investissement, de capital-risque ou de dette privée.

Les organismes de placement collectif

En 1985, l’UE faisait un pas décisif vers la libre circulation des capitaux en adoptant la Directive UCITS (Undertakings for Collective Investments in Transferable Securities). En effet, celle-ci crée un cadre européen qui facilite la distribution des placements collectifs sur le territoire – dits OPCVM (Organisme de placement collectif en valeurs mobilières).

Depuis, la directive a été amendée à 4 reprises. Plusieurs objectifs sont poursuivis, notamment celui d’améliorer la transparence du fonctionnement des fonds et encadrer les rémunérations des asset managers. En 2021, la commission européenne a publié une proposition pour amender la directive UCITS V et AIFM. L’adoption des textes est encore attendue, pour entrer potentiellement en vigueur en 2025.

Les fonds alternatifs

La gestion et la distribution des fonds d’investissement alternatifs sont régulées par la Directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers), adoptée en 2011 et entrée en application en 2013. De nombreux dispositifs y figurent : passeport gestion, délégation, le reporting et les outils de gestion de liquidités. Une nouvelle réforme est attendue d’ici 2025. Ici, l’AMF a publié ses préconisations pour les intéressés.

Les fonds européens d’investissement à long terme 

En 2015, l’Union européenne a créé un nouveau véhicule de financement en vue d’une harmonisation des véhicules d’investissement à long terme présents sur le territoire européen. Les “FEILT” sont ouverts à la fois aux investisseurs professionnels et institutionnels (comme les compagnies d’assurance, fonds de pension), et aux investisseurs de détail qui veulent épargner pour leur retraite. Les capitaux sont placés dans des entreprises et des projets d’infrastructure à long terme en échange d’un revenu régulier. Le règlement ELTIF (UE 2015/760 du 29 avril 2015) vient tout juste d’être révisé et la version ELTIF 2 (règlement (UE 2023/606) a été publiée au journal officiel de l’UE en 2023, pour une application à compter de 2024.

L’obligation d’information des investisseurs

La commercialisation des produits financiers ne peut se faire sans une information complète sur le produit, matérialisée par le KIID ou DIC. Ce document d’information-clé a été instauré dans le cadre de la Directive UCITS et a profondément changé avec le Réglement PRIIPS en 2018. Il appartient à l’initiateur du produit d’établir ce document standardisé (fonds d’investissement, produits dérivés, produits d’assurance vie en mode épargne, …). Les informations communiquées doivent permettre à l’investisseur de détail de comprendre le produit et de procéder à des comparaisons entre plusieurs produits. 

Cette obligation s’applique à tous les produits d’investissements dits “packagés” ou fondés sur l’assurance. En clair, toutes les fois où vous investissez de façon intermédiée (pas directe) et que les capitaux sont investis dans des sous-jacents dont la valeur fluctue, ce document doit être émis. Par exemple, sont concernés les fonds et sicav, les placements et obligations à formule, les SCPI ou encore les contrats d’assurance-vie en unités de compte qui donnent accès à des fonds. Le DIC ne s’applique pas aux simples actions détenues dans un compte-titres ou un PEA.

La sécurité financière ou la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

L’UE a adopté de nombreuses mesures en vue de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB/FT), que nous développons ici. La première directive  (1AMLD) avait été adoptée en 1991 ! Aujourd’hui, nous sommes principalement régis par la 6ème directive anti-blanchiment, adoptée en 2018. Notez qu’un règlement a été adopté par le Conseil de l’UE le 16 mai 2023 afin d’étendre ces obligations LAB-FT aux transferts de crypto-actifs

De l’autre côté de l’atlantique, FATCA joue également ce rôle. Rappelons que ce règlement américain s’applique aux institutions françaises dès lors qu’elles ont des clients qualifiées de “US persons”.

Les autres projets de place

Mentionnons simplement 3 règlements récemment adoptés qui intéresseront forcément les institutions financières : 

  • Le Règlement DORA (règlement UE 2022/2554 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022) sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier qui impacteront les Directions des systèmes d’informations.
  • Le régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués dite DLT (règlement UE 2022/858 du 30 mai 2022) : il permet l’émission, l’enregistrement, le transfert et le stockage d’instruments financiers DLT dits tokenisés. Il est désormais possible d’adosser numériquement un instrument financier et les droits qui lui sont attachés à une blockchain (DLT), et de réaliser des transactions en monnaie de banque centrale ou de banque commerciale, y compris tokenisée, ou de recourir à des jetons de monnaie électronique.
  • Le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (Markets in Crypto-Assets, ou MiCA) est entré en vigueur le 29 juin 2023. Il sera applicable à partir du 30 décembre 2024, à l’exception des dispositions sur les stablecoins, qui entreront en application dès le 30 juin 2024.

Il existe également de nouvelles réglementations en matière de finance durable. Pour en savoir plus, lire aussi le réglement « taxonomie ».