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Objectif du règlement

Le règlement européen 2020/852 a pour objectif d’établir « les critères permettant de déterminer si une activité économique est considérée comme durable sur le plan environnemental, aux fins de détermination du degré de durabilité environnementale d’un investissement » (Article 1)

La taxonomie est conçue pour servir de support à tout un ensemble de régulations et de codes de conduite pour nombre d’acteurs européens :

  • les États pour la définition de leur législation
  • les entreprises pour leur stratégie d’investissement et la transparence de leurs activités
  • les investisseurs et les concepteurs de produits d’investissement (organismes de placement collectif, compagnies d’assurance, banques) pour guider la sélection des actifs

Le texte du règlement définit le cadre général et liste les critères de durabilité. Nous allons en présenter ci-dessous une synthèse.

Il faut toutefois souligner que ce texte ne constitue que la partie émergée de l’iceberg. Le TEG (Technical Expert Group) a produit également un énorme travail d’analyse des secteurs économiques qui sont évalués suivant leur contribution potentielle aux deux premiers critères (atténuation du changement climatique et adaptation au changement climatique). Ce sont les « critères d’examen technique » qui entrent en ligne de compte dans l’évaluation de la durabilité d’une activité (cf. ci-dessous).

La taxonomie n’est pas figée, les critères d’examen technique ne sont pas encore tous définis et sont destinés, en toute logique, à se « durcir » au fur et à mesure que le marché s’aligne. Le développement ultérieur de la taxonomie a été confié à la « Plateforme sur la finance durable », un groupe de cinquante experts, sept représentants d’organismes publics et dix observateurs.

Qu’est-ce qu’une activité économique durable ? (article 3)

Une activité économique durable sur le plan environnemental :

  1. Contribue substantiellement à l’un au moins des objectifs environnementaux définis à l’article 9
  2. Ne cause de préjudice important (« Do No Significant Harm ») à aucun des objectifs environnementaux
  3. Respecte des garanties minimales
  4. Est conforme à des critères d’examen technique établis par la Commission Européenne

Les objectifs environnementaux (article 9)

Une activité économique durable contribue substantiellement à l’un au moins des objectifs environnementaux. Quels sont-ils ?

  1. Atténuation du changement climatique
  2. Adaptation au changement climatique
  3. Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines
  4. Transition vers une économie circulaire
  5. Prévention et réduction de la pollution
  6. Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

À cela s’ajoutent les activités « facilitatrices », qui permettent à d’autres activités de contribuer à un objectif environnemental, pour autant qu’elles respectent certaines conditions.

Les éléments ci-dessous donnent un peu plus de détail sur les activités qui s’inscrivent dans chaque objectif environnemental.

Atténuation du changement climatique (article 10)

  1. Production, transport, stockage, distribution et utilisation d’énergies renouvelables
  2. Amélioration de l’efficacité énergétique
  3. Mobilité propre
  4. Utilisation de matières renouvelables
  5. Technologie de captage et d’utilisation (CCU) ou de captage et de stockage (CCS) de carbone
  6. Renforcement des puits de carbone terrestres
  7. Infrastructures de décarbonation des systèmes énergétiques
  8. Production de combustibles propres

Activité transitoire : activité pour laquelle il n’existe pas de solution de remplacement sobre en carbone mais favorisant la transition vers une économie neutre pour le climat.

Adaptation au changement climatique (article 11)

Ces activités incluent ou fournissent des solutions qui préviennent ou réduisent les incidences négatives du climat et de son évolution attendue sur une population, la nature ou les biens et qui n’accroissent pas le risque d’incidences négatives sur une autre population, une autre nature ou d’autres biens.

Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines (article 12)

  1. Protection contre les rejets de contaminants via les eaux urbaines ou industrielles
  2. Protection des eaux destinées à la consommation humaine contre les contaminants
  3. Amélioration de l’efficacité de la gestion de l’eau, sur le plan qualitatif ou quantitatif
  4. Utilisation durable des services écosystémiques marins et protection des écosystèmes marins

Transition vers une économie circulaire (article 13)

  1. Réduction de la consommation de matières premières primaires et d’énergie et augmentation de l’utilisation de matières premières secondaires
  2. Augmentation de la durabilité, réparabilité, évolutivité et réutilisabilité des produits
  3. Augmentation de la recyclabilité des produits
  4. Réduction de la teneur en substances dangereuses ou préoccupantes
  5. Prolongation de l’utilisation des produits
  6. Augmentation de l’utilisation de matières premières secondaires
  7. Réduction de la production de déchets
  8. Réemploi et recyclage des déchets
  9. Infrastructures de gestion des déchets en vue du recyclage
  10. Réduction de l’incinération et de la mise en décharge des déchets
  11. Suppression des dépôts sauvages de déchets

Prévention et réduction de la pollution (Article 14)

  1. Prévenir ou réduire les émissions de polluants autres que les GES
  2. Amélioration de la qualité de l’eau, de l’air ou des sols dans les zones d’activité économique
  3. Prévenir les incidences négatives des substances chimiques sur la santé humaine
  4. Nettoyage des dépôts sauvages de déchets et autres formes de pollution

Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes (article 15)

  1. Conserver et protéger la biodiversité et les écosystèmes
  2. Utilisation durable des terres
  3. Pratiques agricoles durables
  4. Gestion durable des forêts

Activité qui permet à d’autres activités de contribuer de façon substantielle à un objectif environnemental (article 16) et :

  • A un impact environnemental positif significatif sur le cycle de vie
  • N’entraîne pas un verrouillage dans des actifs qui compromettent des objectifs environnementaux à long terme

Ne causer de préjudices importants (« do no significant harm ») à aucun objectif environnemental

Il ne suffit pas, pour être « durable », de répondre à un ou plusieurs objectifs environnementaux, encore faut-il ne pas nuire aux autres objectifs ! Face à chaque objectif environnemental, le texte définit aussi des critères disqualifiants.

Ainsi nous retrouvons les éléments suivants.

Atténuation du changement climatique

N’entraîne pas d’émissions importantes de gaz à effet de serre

Adaptation au changement climatique

N’entraine pas d’augmentation des incidences négatives du changement climatique sur la population, la nature ou les biens

Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines

N’est pas préjudiciable au bon état écologique des masses d’eau douce ou des eaux marines

Économie circulaire

Ne présente pas d’inefficacité significative en terme d’utilisation des ressources et de durabilité des produits.

N’entraîne pas d’augmentation notable de la production ou de l’élimination de déchets, à l’exception de l’élimination des déchets dangereux.

L’élimination des déchets n’a pas d’effets néfastes à long terme sur l’environnement.

Prévention ou réduction de la pollution

N’entraîne pas d’augmentation notable des émissions de polluants dans l’air, l’eau ou le sol.

Protection et restauration des écosystèmes

N’est pas préjudiciable à la résilience des écosystèmes.

N’est pas préjudiciable à la conservation des habitats des espèces.

Garanties minimales (Article 18)

La taxonomie se focalise sur les aspects environnementaux, toutefois, dans la droite ligne des principes ESG (Environnement, Social, Gouvernance), le respect de critères sociaux basiques sont exigés.

Nous y retrouvons notamment :

Critères d’examen technique

Comme on l’a déjà mentionné, la partie la plus importante du règlement se trouve dans l’annexe, un copieux classeur Excel (télécharger, 6 Mo) qui répertorie, par secteurs économiques (identifiés par leur code NACE) les critères de durabilité pour deux objectifs (les autres objectifs seront couverts ultérieurement) : atténuation du changement climatique et adaptation au changement climatique.

Le texte du règlement précise les principes qui guident l’élaboration de ces critères (article 19) :

  • Identifient les contributions les plus pertinentes en tenant compte du principe de neutralité technologique et des incidences à court et à long terme
  • Précisent les critères à respecter pour éviter de causer un préjudice important aux objectifs environnementaux
  • Sont quantitatifs et comprennent des seuils si possible ou à défaut qualitatifs
  • S’appuient sur les instruments juridiques et les normes en vigueur dans l’UE
  • Utilisent des indicateurs de durabilité
  • Sont fondés sur des éléments scientifiques et sur le principe de précaution
  • Tiennent compte du cycle de vie
  • Tiennent compte de la nature et de l’ampleur de l’activité économique (activité transitoire ou activité habilitante)
  • Tiennent compte du risque pour les marchés que certains actifs deviennent des actifs échoués et du risque de créer des incitations contradictoires à l’investissement durable
  • Couvrent toutes les activités économiques pertinentes au sein d’un secteur donné en évitant les distorsions de concurrence
  • Sont faciles à utiliser et à vérifier

Exemples de critères de durabilité

Les tableaux ci-dessous reprennent, pour deux exemples d’activités (production de ciment et rénovation des bâtiments) les critères d’évaluation relatifs à l’atténuation du changement climatique.

Exemple 1

Macro-Secteur NACEC – Fabrication
Niveau 2C23
Niveau 3C23.5
Niveau 4C23.5.1
ActivitéFabrication de ciment
DescriptionFabrication de ciment
PrincipeLa fabrication du ciment génère d’importantes émissions de CO2. La réduction des émissions du processus via des améliorations de l’efficacité énergétique et le passage à des combustibles de substitution, la promotion de la réduction du ratio clinker/cément et l’utilisation de clinkers et de liants de substitution peuvent contribuer à l’objectif d’atténuation.
Les mesures d’atténuation sont éligibles à condition qu’elles soient intégrées dans un plan d’investissement unique dans un délai déterminé (5 ou 10 ans) qui décrit comment chacune des mesures, combinée à d’autres, permettra à l’activité d’atteindre le seuil défini ci-dessous.
Métriques & SeuilsLes seuils pour le clinker (A) sont applicables aux usines qui produisent uniquement du clinker, et ne produisent pas de ciment fini. Toutes les autres usines doivent respecter les seuils applicables au ciment ou au liant alternatif.
Clinker:
Les émissions spécifiques (calculées selon la méthode utilisée dans les benchmarks EU-ETS) associées aux processus de production de clinker sont inférieures à la valeur de référence EU-ETS correspondante.
En février 2020, la valeur de référence de l’EU-ETS pour la fabrication du clinker était de 0,766 tCO2e/t de clinker.
Ciment:
Les émissions spécifiques associées aux processus de production du clinker et du ciment sont inférieures à : 0,498 tCO2e/t de ciment ou de liant alternatif.

Exemple 2

Macro-Secteur NACEF – Construction
Niveau 2F41
F43
Niveau 3F41.1
F41.2
Niveau 4
ActivitéRénovation de bâtiment
DescriptionRénovation de bâtiment : il s’agit des activités relevant des codes NACE F41.2 – Construction de bâtiments résidentiels et non résidentiels et F43 – Activités de construction spécialisées.
PrincipeLa rénovation de bâtiments existants en vue d’accroître leur efficacité énergétique contribue de manière substantielle à l’atténuation du changement climatique en réduisant la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre durant le reste de l’utilisation  opérationnelle des bâtiments, et en évitant les émissions qui seraient associées à la construction de nouveaux bâtiments.
Condition de non-éligibilité : pour éviter le verrouillage et l’affaiblissement de l’objectif d’atténuation du changement climatique, la rénovation de bâtiments utilisés à des fins d’extraction, de stockage, de transport ou de fabrication de combustibles fossiles n’est pas éligible.
Utilisation de systèmes alternatifs de substitution : en dehors des États membres de l’UE, des systèmes établis tels que les certifications de « bâtiments verts » ou des règlements de construction peuvent être utilisés comme preuve alternative d’éligibilité, à condition que cela soit vérifié par la Plateforme pour la Finance Durable (Sustainable Finance Platform). L’organisation responsable du système alternatif pourra en demander une reconnaissance officielle en prouvant qu’un niveau spécifique de certification ou réglementation peut être considéré comme équivalent (ou supérieur) au seuil d’atténuation de la taxonomie et du DNSH1. La Plateforme pour la Finance Durable évaluera les preuves et approuvera ou rejettera la demande.
Métriques & SeuilsLes seuils utilisés pour évaluer la rénovation reposent soit sur les paramètres respectifs définis dans la réglementation applicable aux bâtiments pour les « rénovations importantes » transposant la DPEB2, soit, dans le cas d’une amélioration relative, sur la demande d’énergie primaire (DEP) définie comme suit : la demande annuelle d’énergie primaire associée à l’utilisation d’énergie réglementée pendant la phase opérationnelle du cycle de vie du bâtiment (c’est-à-dire le « module B6 » selon la norme EN15978), calculée ex ante selon les méthodologies nationales d’évaluation de la conception des actifs ou telle que définie dans l’ensemble des normes ISO 52000, exprimée en kWh/m2 par an. c’est-à-dire le « module B6 » selon la norme EN15978), calculée ex ante selon les méthodes nationales d’évaluation de la conception des actifs, ou telle que définie dans la série de normes ISO 52000, exprimée en kWh/m2 par an.
Une rénovation est éligible lorsqu’elle atteint l’un des seuils suivants :Rénovation majeure : la rénovation est conforme aux exigences définies dans les règlements de construction applicables aux « rénovations majeures » transposant la Directive sur la Performance Énergétique des Bâtiments (DPEB).Amélioration relative : la rénovation permet de réaliser des économies d’au moins 30 % de la Demande d’Énergie Primaire nette par rapport à la performance de référence du bâtiment avant la rénovation. La performance de base et l’amélioration prévue doivent être basées sur une étude spécialisée du bâtiment et validées par un auditeur énergétique accrédité. La méthodologie utilisée pour mesurer la surface de plancher doit être déclarée en se référant aux catégories établies par l’International Property Measurement Standard.

Pour consulter l’ensemble des informations mises à disposition par la Commission Européenne concernant la taxonomie : EU taxonomy for sustainable activities.