Etat des lieux après l'échéance du 1er juillet 2011.
Les sociétés de gestion sont-elles au rendez-vous ?
Un chantier plus complexe que prévu
Qu'il s'agisse des sociétés de gestion ou des régulateurs, le rendez-vous du 1er juillet 2011 a permis de confronter la théorie à la pratique. Ce démarrage a fixé un premier niveau de compréhension générale de la directive. Pour les sociétés de gestion, ce fut l'occasion de stabiliser les processus métier et SI impliqués dans la fabrication du KID. En outre, cela a été l'occasion de faire remonter certaines incohérences auprès du législateur, par exemple :
- affichage de la garantie des fonds structurés
- cohérence des frais affichés dans la note détaillée avec les nouveaux frais du KID
Le législateur a pour mission de finaliser la transposition et de clarifier les zones d'ombre, voire de suggérer à la commission européenne des adaptations.
Les plus importantes sociétés de gestion ont choisi d'honorer le rendez-vous du 1er juillet 2011. Cette approche volontariste avait pour objectif :
- de s'assurer de la prise en compte de leurs préconisations par le régulateur avant validation définitive du texte
- de s'assurer de la compréhension de leurs besoins par les éditeurs de progiciels
- de limiter la double maintenance prospectus simplifié / KID pour leurs fonds existants
Les acteurs de taille plus modeste, quant à eux, ont préféré attendre la clarification du cadre réglementaire avant de démarrer la bascule. Ils ont opté pour une gestion manuelle des KID pour chaque fonds créé après le démarrage. Ce choix leur permet de bénéficier du retour d'expérience des big players et d'affiner leur approche a posteriori.
Périmètre plus modeste que prévu
Au fil du projet, les contraintes ont été identifiées et formalisées. Ces complexités, qu'elles soient issues des problématiques métier, des difficultés à faire évoluer le système d'information ou de l'instabilité relative de la réglementation, ont entraîné une constante réduction du périmètre jusqu'aux derniers jours précédant la bascule, passant d'environ 25% à 2,5% de prospectus migrés.
En conséquence, les sociétés de gestion ont été contraintes de lotir ce chantier. Le premier lot s'est avéré moins ambitieux que prévu. Les produits pour lesquels le cadre réglementaire était validé ont été intégrés au démarrage. Par exemple, les fonds monétaires dont la classification AMF a changé à la date de démarrage du KID sont les premiers à basculer. Ensuite, pour chaque type de contrainte identifié, un périmètre et une date de bascule sont définis (fonds des filiales, fonds à formule, fonds non benchmarkés…).
La mise en œuvre du KID a sollicité de nombreux acteurs au sein des sociétés de gestion déjà impliqués sur d'autres chantiers. Les arbitrages de ressources et de budgets n'ont pas toujours été à l'avantage du KID, mettant en difficulté le calendrier de bascule initial.
Enfin, il faut souligner que certains Asset Managers ont pris le parti de ne pas en faire une priorité pour 2011.
Les causes de complexité
Un cadre réglementaire non stabilisé
Certains points restaient en suspens au mois de juin et bloquaient la production des KID concernés. Par exemple, les fonds autorisés aux opérations de cessions temporaires restaient une source d'interrogations, notamment sur les règles à appliquer en fonction du niveau d'exposition et du levier recherché. Par ailleurs, les frais de fonctionnement et de gestion devraient impliquer de remplacer les frais directs réels de la note détaillée par des frais courants maximum. Cela permettra de conserver la cohérence entre les documents.
Ce démarrage est avant tout un test grandeur nature et les sociétés de gestion doivent s'attendre à un nombre de retours plus important qu'en rythme de croisière de la part de l'autorité de tutelle. En parallèle des actions menées par les Asset Managers, l'AMF murissait sa réflexion. Ainsi, presque 20% des premiers KID présentés ont fait l'objet de retours et ont dû être corrigés avant leur publication. Par ailleurs, le calcul du SRRI pour les fonds structurés nécessite d'être mieux compris.
Des impacts forts sur les métiers
L'alimentation des nouveaux champs liés au KID dans le référentiel titres a parfois posé problème. C'est notamment le cas du SRRI, souvent calculé par les équipes Risques et soumises pour validation aux Gérants et Commerciaux. Dans certains cas, le calcul est réalisé au sein du service Performances, voire le Middle-Office.
Un autre point de difficulté a été de stabiliser la note calculée pouvant être majorée ou minorée au cas par cas sur décision des Gérants ou du Comité Produits, notamment dans l'hypothèse d'un changement de stratégie de gestion.
La définition des césures, laissée au libre- arbitre des sociétés de gestion, la rédaction et l'harmonisation des commentaires associés sont d'autres exemples de difficultés qui ont dû être surmontées et ont parfois retardé la validation des KID.
Par ailleurs, le projet a été l'occasion de stabiliser certains sujets, notamment la qualité des données référentielles. Par exemple, les pays d'enregistrement ont dû être alimentés et corrigés puisqu'ils déterminent : le modèle de document cible, la langue de rédaction et la nomenclature des documents produits.
Ce chantier a souvent nécessité de faire évoluer les organisations en place. En effet, le SRRI étant l'avancée majeure du KID par rapport au prospectus et son mode de calcul nécessitant des apports de nombreux acteurs, le cycle de validation a dû s'adapter et se formaliser. De nombreuses actions de formation et de communication se sont avérées nécessaires.
Ucits IV sera entre autres l'occasion de ne plus afficher les commissions de surperformance négatives qui pouvaient jusqu'alors apparaître dans les parties statistiques des prospectus.
Un périmètre large pouvant engendrer des investissements IT importants
La production réglementaire est un processus industriel, impliquant un grand nombre d'acteurs dans la durée. Produire des KID est du business as usual, sur des volumétries parfois très importantes, et bon nombre de sociétés de gestion ont souhaité l'industrialiser. Prendre cette décision s'est souvent avéré être un exercice difficile.
Tout d'abord, le nombre d'acteurs concernés, ayant chacun une vision parcellaire du sujet et des modes opératoires propres mais interconnectés, est un élément qui est venu complexifier la formalisation du workflow.
La dimension internationale du projet et l'obligation pour les Asset Managers de traduire les documents ont également été sujets de discussions, puisqu'une industrialisation nécessite de maintenir des bases référentielles multilingues, ce qui s'est avéré coûteux. De plus, le déficit d'harmonisation des pratiques au sein de la zone euro a encore un peu plus compliqué la tâche.
Enfin, définir le périmètre d'industrialisation a été la plus grande difficulté rencontrée. Les phases de cadrage des projets ont fait prendre conscience que le KID, et la production réglementaire dans son ensemble, ne sont autres choses que le livrable du processus de création, modification et dissolution de fonds.
En effet, un processus de création consiste à collecter et valider des données produits qui alimenteront la production juridique et réglementaire, les référentiels, les outils de gestion et les bases des prestataires. Les projets d'industrialisation ont vu leur périmètre de données augmenter significativement puisqu'il s'agissait d'automatiser toute la chaîne d'administration du référentiel produits. Enfin, ce processus est fortement imbriqué avec d'autres pans de l'activité, et le workflow a eu des adhérences avec d'autres processus automatisés, tels que les appels d'offres par exemple. Il a fallu mettre en œuvre de lourds efforts de synchronisation.
Tous ces points sont venus alourdir les budgets IT et ont souvent nécessité des arbitrages, parfois au détriment de sujets business.
Assurer une cohérence paneuropéenne en intégrant les contraintes locales
Nous observons que la transposition de la directive avance à un rythme hétérogène d'un pays à l'autre, faisant face à des spécificités locales (fonds garantis, fonds à formule, …) pour lesquelles la réflexion se poursuit. Ces particularités dans certains pays de la zone euro ont ralenti -voire bloqué- la bascule de certains KID à l'échelle d'un groupe. Face à cette disparité réglementaire, les sociétés de gestion de dimension internationale ont traité au cas par cas leur stratégie de bascule. Plusieurs situations se sont présentées :
- Premier cas : la maison mère et la filiale étaient alignées dans la stratégie de bascule au KID et ont œuvré pour une mutualisation du processus de production
- Deuxième cas de figure : la filiale et la maison mère n'étaient pas alignées. Le niveau de spécificités locales a été tel que la filiale a défendu une option manuelle de production
- Dernier scénario : le niveau d'incertitude et l'attente de validation de la transposition locale étaient tels que la filiale a fait le choix de l'expectative
Pour finir, il faut souligner que la charge de travail de la maison-mère a, elle seule, limité le périmètre géographique du projet.
Points d'attention
Gouvernance
Le passage au KID est un sujet transverse au sein de l'entreprise. En effet, de nombreuses lignes métiers sont impactées, ainsi qu'une part importante du système d'information des Asset Managers (référentiel titres, outils de production réglementaire, outils de reporting, calcul et attribution de performance, systèmes de gestion des risques, processus de valorisation, outils de communication et diffusion…). La coordination des métiers, ainsi que la synchronisation des travaux avec la DSI, est un exercice délicat qui demande une organisation projet performante. Le rôle central de la fonction PMO (Project Management Office) est majeur dans ce contexte, il a trop souvent tendance à être négligé.
Ucits IV de manière générale et le KID en particulier imposent aux sociétés de gestion de repenser ou d'adapter leur gouvernance produits. En effet à chaque étape de la chaine de production du nouveau prospectus, les rôles et responsabilités des contributeurs ont été des sujets de discussion.
Les points de gouvernance qui n'auront pas été anticipés avant l'échéance de juillet 2011 devront faire l'objet de nouveaux ateliers spécifiques. Le périmètre des fonds n'étant pas totalement migré, loin s'en faut (plus de 75% des fonds), les points d'organisation, de redéfinition du périmètre de responsabilité, de conduite du changement autour des processus, d'évolutions fonctionnelles ou techniques, devront être achevés afin de fluidifier la chaine de valeur cible.
Evolution du périmètre des données
Le SRRI
L'objectif premier du SRRI (Synthetic Risk and Reward Indicator : indicateur synthétique de risque et de performance) est d'harmoniser et faciliter, pour l'ensemble des pays européens, l'analyse comparative entre produits sur une même échelle de risque. La production de cet indicateur suppose que les sociétés de gestion abandonnent leurs indicateurs de risque historiques et spécifiques au profit du SRRI, en le généralisant à l'ensemble de la production documentaire.
Principalement basé sur la volatilité et dans certains cas sur la Value-at-Risk, la détermination du SRRI n'a pas toujours été aisée. En effet, une fois la catégorie du fonds déterminée parmi quatre possibilités, la pertinence du calcul dépendra in fine de la qualité des données qu'il met en jeu. L'indicateur doit livrer une vision des risques encourus pour chaque portefeuille, exercice complexe, en témoigne l'évaluation des risques pour les fonds à formule. L'ensemble des résultats doit être soumis pour validation aux Gérants et Commerciaux. Le sujet qui a du être traité était la difficulté à faire converger des points de vue en sollicitant des approches différentes.
Enfin, rappelons que le SRRI est calculé au début de chaque année, réactualisé avec les performances de l'année passée. Son évolution doit être suivie selon un rythme hebdomadaire et faire l'objet d'une réédition d'un nouveau KID en cas de changement de note confirmée sur une période de seize semaines consécutives.Les césures
Les critères génériques de définition des césures étant à la discrétion des sociétés de gestion, la première difficulté a été pour les Juristes de les définir. En effet, comment reconstituer dans le temps les niveaux de rupture de la performance d'un fonds quand l'historique des données est insuffisamment riche ou parfois inexistant ? Le plus complexe est ici d'être en mesure de remonter suffisamment loin dans l'historique des fonds concernés, et d'en déduire les césures ainsi que les commentaires associés.
Gestion des frais
La rubrique « Frais » du KID prévoit l'affichage des frais courants qui regroupent à la fois les frais de gestion, les commissions de mouvement et les frais indirects. Une seconde ligne pourra indiquer les commissions de surperformance. Les frais sont réactualisés chaque année fiscale. En cas d'évolution des frais au-delà d'un seuil réglementaire, le KID devra être mis à jour et la directive prévoit l'expédition d'une lettre au porteur. La note détaillée devra dorénavant tenir compte des frais courants maximum en lieu et place des frais directs. Sur ce sujet, l'AMF et l'AFG poursuivent leur réflexion.
Quelles alternatives pour les sociétés de gestion qui ont fait le choix de l'expectative ?
Les petites sociétés de gestion, ayant pressenti la relative instabilité transitoire du cadre réglementaire, ont préféré jouer l'expectative. Elles ont préféré attendre la validation finale des régulateurs. Par exemple, la dernière mise à jour de la directive en France a été portée à la connaissance du marché peu de temps avant la bascule.
Plusieurs solutions ont été examinées en fonction de critères stratégiques : coûts de mise en œuvre, contraintes informatiques liées à la lourdeur de la maintenance et du pilotage de la production.
Au sein des sociétés de gestion, le choix a été arbitré entre une approche minimaliste de production manuelle du KID, ou une évolution majeure du SI. Nous avons à ce sujet pu observer la mobilisation de certains éditeurs outsiders du Reporting s'organiser afin de concurrencer le leader français AMFine™.
Certains PSI ont élaboré une offre de service à l'attention des sociétés recherchant une solution d'externalisation. Quelques Administrateurs de fonds proposent désormais des solutions KID « clé en main », pour tout type de fonds, administré ou non, pouvant inclure des services à valeur ajoutée, tels que le calcul du SRRI ou la gestion des frais.
Le marché des logiciels en Europe
Contre toute attente, en matière de production du KID, le marché des progiciels a suivi en Europe une courbe de développement tenant compte de la spécificité locale des marchés et non une dimension transfrontalière.
Ainsi, le marché français a confirmé la position de leadership de l'éditeur AMFineTM, qui a su anticiper et répondre aux contraintes opérationnelles et réglementaires françaises.
AMFine™ s'implique également dans le déploiement de la solution à l'international.
En dehors du marché français, nous avons pu observer l'émergence de solutions plus ou moins matures, en fonction du niveau d'avancée des travaux de transposition et de la proximité des progiciels existants avec la gestion des prospectus.
Ainsi la solution Nord-Américaine CoricKid™ du groupe Equipos™ a su tirer parti de sa triple expertise : Asset Management, gestion documentaireet connaissance du marché européen. Cela a permis d'adapter l'offre au fur et à mesure des travaux de transposition de la directive.
L'Ecossais Electrum™ connu pour ses workflows documentaires et la gestion de contenu a intégré dans son offre un moteur de calcul du SRRI, faisant de sa solution Kiidocs™ une alternative a priori crédible.
Quant à l'acteur français Alphedra™, une volonté de positionnement de spécialiste en amont du KID a été privilégiée à travers son offre OpenSight@AM™. En effet, la solution se limite au suivi et contrôle des risques des fonds coordonnés voire au calcul du SRRI.
L'important groupe américain Princeton Financial Group™ a su également flairer la croissance potentielle de ce marché en proposant l'offre DVS Publisher Suite™, tirant partie là encore d'une longue expertise en gestion de contenu, gestion de la conformité et mesure de la performance dans plus de quarante pays.
Enfin citons les autres éditeurs qui chercheront également à prendre des parts de marché sur une période de croissance qui sera malgré tout très courte, à savoir : le Belge Gambit Financial Solution™, le Suisse Primecoach™ avec sa solution KIID Generator™ et SimCorp™ en Allemagne.
Suite : Directive UCITS IV et KID: au-delà du KID
Article précédent : Directive UCITS IV et KID: les enjeux